Courant d’Eire

© MOD70 FONCIA / On board/ Team Foncia

Les cinq MOD70 devraient franchir la ligne d’arrivée devant Dun Laoghaire (baie de Dublin) au milieu de la nuit prochaine. Et si Yann Guichard et ses hommes mènent la danse depuis le contournement du Danemark, rien n’est acquis puisque la flotte va se compresser avant même le coucher du soleil sous l’effet d’une brise mollissante…

Jusqu’à ce mercredi après-midi, Spindrift racing conservait son coussin d’avance d’environ cinq milles sur FONCIA et Groupe Edmond de Rothschild, mais la situation risquait fort de se dégrader lorsque la brise de secteur Nord-Nord Est d’une quinzaine de nœuds, va s’essouffler à l’abord du canal Saint-Georges, puis franchement s’écrouler à une cinquantaine de milles de l’arrivée en Irlande (Eire). Au passage de Land’s End, la hiérarchie était établie et même si Musandam-Oman Sail et Race for Water concédaient alors plus de 25 milles au leader, ils ne perdaient pas espoir de revenir dans le match à l’occasion de ces calmes à venir…

« Nous avons passé la pointe extrême de l’Angleterre il y a maintenant quatre heures et nous sommes sur un bord de près tribord amures à 18 nœuds de vitesse, cap au 350°. Il y a encore de la houle et ce matin, c’était vraiment une mer difficile : nous étions sous un ris dans la grand-voile et trinquette. Mais désormais, plus on gagne dans le Nord, plus la mer s’aplatit et le vent mollit progressivement : nous avons pu renvoyer toute la grand-voile et le génois. Nous faisons un près « océanique » parce que le vent va tourner au secteur Nord et il faudra probablement virer d’ici la fin de l’après-midi… » indiquait Léo Lucet à bord de Spindrift racing à midi.

Un trèfle à cinq feuilles !

Depuis le débordement de la pointe de la Cornouaille anglaise, il n’y a pas eu vraiment d’option possible : le vent de secteur Nord-Est imposait un long bord tribord amures en direction du cap de Rosslare. Mais ensuite, le louvoyage était au programme et le timing des virements était la clé d’une tactique complexe puisqu’elle devait prendre en compte non seulement les bascules et les molles de vent attendues, mais aussi les réactions des concurrents à portée de lance-pierres. Et si en duel, le contrôle serré est aisé, il n’en est pas de même quand il y a deux autres bateaux à surveiller ! Or c’est bien le jeu que vont chercher à mettre en place Michel Desjoyeaux (FONCIA) et Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild) pour tenter de ravir la victoire à Yann Guichard (Spindrift racing)… Sans compter que Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) et Stève Ravussin (Race for Water) sont aussi en embuscade et vont profiter de cette compression irlandaise. Avec cinq trimarans dans un mouchoir de poche à quelques encablures de la ligne d’arrivée, la stratégie deviendra plus tordue qu’un jeu de Go.

« On voit FONCIA depuis le départ de Kiel : actuellement, il est derrière nous dans notre axe à environ cinq milles. Nous ne sommes pas focalisés sur lui mais nous le surveillons pour savoir ce qu’il envisage. Nous sommes concentrés sur notre vitesse et on module en permanence aux écoutes. C’est un peu plus paisible à bord, parce que depuis deux jours, nous n’avions pas pu respecter les quarts : il y avait trop de manœuvres à faire. On essaye surtout de faire attention à ne pas casser du matériel et à se reposer dès que possible… »

Eire de rien (ou presque)

Car là est bien le souci des navigateurs : comment aborder ces calmes programmés suite à l’installation du centre anticyclonique quasiment sur Dun Laoghaire cette nuit ? D’après les prévisions météorologiques, le ralentissement va être brutal dès 18h ce mercredi, à moins de cinquante milles de la ligne ! D’un seul coup, le vent de secteur Nord va tomber à moins de cinq nœuds et plus les étraves se rapprocheront de l’arrivée, plus la brise va devenir inexistante ou presque… L’air de rien, il va être de plus en plus difficile aux équipages de savoir où se trouvera la sortie de ce tunnel car à partir de minuit, c’est le néant qui va engloutir les MOD70. Et il faudra attendre pratiquement le lever du jour pour espérer un souffle nouveau mais toujours aussi léger (moins de cinq nœuds), de secteur Sud !

Être en tête est toujours un avantage, sauf parfois dans ces conditions particulières : en observant l’engluement du leader, ses poursuivants peuvent alors quelque fois contourner la zone de calmes. On imagine donc que la pression règne à bord des cinq monotypes car il y a aussi des courants de marée en Irlande et de petits effets thermiques, certes peu prononcés puisque la température de l’air reste douce à Dun Laoghaire. Et même si la lune est encore au rendez-vous, il ne va pas être facile de suivre les décisions en temps réel des autres bateaux bien que tous les navigateurs aient des radars : il y a de la manœuvre dans l’Eire cette nuit…

Ils ont dit

Michel Desjoyeaux (FONCIA) à 5h

« Bon, ça a un peu franchement changé de rythme ! Depuis le milieu de la nuit, on est à des vitesses qu’on n’avait connues qu’en partant de Kiel. Le compteur est régulièrement à plus de 30 nœuds. On alterne, selon les variations de vent, gennaker ou solent. La grand-voile est avec un ris depuis minuit. Les quarts se succèdent, mais à ces vitesses là, ce n’est pas facile de trouver le sommeil, ça nous rappelle une traversée expresse récente. On voit Gitana de temps en temps… On arrive sous le vent de Start Point, on passe la baie de Plymouth et Land’ End, puis on attaquera la remontée de la mer Celtique. Quand je dis remontée, ce n’est pas qu’une vue de l’esprit puisqu’on sera, encore, au près… »

Yann Guichard (Spindrift racing) à 6h

« On a 200 milles à faire en mer d’Irlande au près avec un vent qui va mollir sur la fin : l’atterrissage sur Dun Laoghaire est prévu pour la nuit prochaine et la molle en baie de Dublin devrait tout remettre en cause… Les cinquante derniers milles vont être compliqués et notre avance d’une petite dizaine de milles sur nos poursuivants n’est pas suffisante pour que nous soyons sereins ! On voit Foncia depuis le départ de Kiel en fait… Nous n’avons pas eu de problème technique si ce n’est que le bateau a tendance à partir à droite : on ne sait pas pourquoi et il faut s’y mettre à deux mains pour le contrôler. Nous n’avons pas beaucoup dormi depuis le départ, surtout avec le passage du Pas de Calais. Avec le près annoncé ce matin en mer d’Irlande, on va pouvoir se reposer un peu pour être percutants sur le final : on a trois Figaristes à bord ! »

Brian Thompson (Musandam-Oman Sail) à 11h

« Nous avons bien marché ces dernières 24h et nous nous sommes bien bagarrés avec Race for Water dans l’estuaire de la Tamise. Nous avons eu une petite molle pendant 18h puis nous avons accéléré franchement avec des pointes à 32 nœuds sous gennaker ! Maintenant, nous sommes au près dans 18 nœuds de vent après avoir passé Land’s End, nettement moins tonique et plus agité. Nous avons toujours Race for Water à vue et il reste plus de 200 milles jusqu’à Dun Laoghaire… Nous avons juste eu un souci sur le blocage du safran central en position basse et Jeff Cuzon est monter deux fois dans le mât pour des soucis de lazy-jacks : c’est notre spécialiste navigateur-alpiniste… On s’attend à ce que le final se déroule dans de petits airs, vu qu’une haute pression s’installe sur l’Irlande. Il est donc difficile de donner une ETA (Estimed Time Arrival). Il y aura du match à l’arrivée ! »

Classement du 5 septembre à 15h30

  1. Spindrift racing (Yann Guichard) à 92,2 milles de Dun Laoghaire
  2. FONCIA (Michel Desjoyeaux) à 5,5 milles du leader
  3. Groupe Edmond de Rothschild (Sébastien Josse) à 5,7 milles du leader
  4. Musandam-Oman Sail (Sidney Gavignet) à 21,8 milles du leader
  5. Race for Water (Stève Ravussin) à 22,3 milles du leader

Source

Caroline Muller

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