Calés au pas

© Chris Schmid / Spindrift racing

Dès le détroit de Skagerrak, les MOD70 ont pu piquer vers les Pays-Bas à bonne allure contre le vent. Puis après un ralentissement passager pour traverser une bulle anticyclonique au large de la Hollande, les cinq trimarans ont tiré un bord vers l’Angleterre et un contre-bord vers la Belgique. A l’approche du Pas de Calais, le vent s’est étiolé et le groupe resserré. Ces calmes pourraient bien faire imploser la flotte…

Petit à petit, mille par mille, pas à pas : l’entrée dans la bulle anticyclonique qui barre le passage vers le Pas de Calais s’est immédiatement traduit par un ralentissement général, et d’abord pour les leaders. Le bilan est donc un regroupement général puisqu’il n’y avait plus qu’une quinzaine de milles d’écart entre Spindrift racing toujours en tête, et Race For Water qui a ainsi très sensiblement réduit son retard qui atteignait 70 milles lundi soir… Bref cette compression relance le match mais il ne faut pas trop se faire d’illusions : en général et même avec seulement quelques encablures de marge, le premier s’en sort le premier et recreuse du delta. Mais la question est désormais de savoir de combien ? Car si comme prévu la brise s’installe sur toute la flotte d’un seul coup après le passage d’un front orienté Ouest-Est la nuit prochaine, il n’y aura pas d’effet accordéon…

Air de mer ou brise à terre ?

En début d’après-midi ce mardi, les cinq MOD70 naviguaient encore dans l’embouchure de la Tamise au milieu d’obstacles de toute nature (cargos, ferries, plateformes, éoliennes, pêcheurs…) et la brise était encore supérieure à dix nœuds, voire à quinze. Mais en approchant les côtes orientales de l’Angleterre, du côté de Ramsgate, ils vont atteindre le sommet du « plateau anticyclonique », là où le vent fait défaut. La seule opportunité est de rester le plus à terre possible en espérant que la chaleur du soleil au zénith provoque un effet thermique, une légère brise qui permettrait alors de s’extirper de ce piège. Car il faut au plus vite sortir du Pas de Calais, aborder les rives d’Hastings le plus rapidement possible pour ne pas rester collé sous les falaises de Douvres. Le ventilateur éolien a calé et il ne redémarrera vraiment qu’en Manche…

« On s’est fait décrocher lors de la remontée le long du Danemark parce que nous avons eu des problèmes d’ordinateur : nous n’avions plus de fichiers météo et on s’est un peu acharné pour réparer. Et puis nous avons fait quelques petites erreurs de changement de voiles : nous avons moins navigué que nos concurrents cet été, mais les automatismes reviennent doucement. Nous avons encore une douzaine de nœuds de vent ce midi et ça avance toujours bien, mais cela ne va pas durer : la brise va devenir très changeante, en force et en direction. Il y a un passage à niveau au Pas de Calais et il vaut mieux sortir en tête ! Le couloir que nous devons emprunter n’est pas très large et il n’y a pas vraiment d’options marquées à prendre. Il faudra juste être aux aguets de la moindre risée pour sortir de là… » déclarait Stève Ravusssin à bord de Race for Water ce mardi midi.

Il faut passer le Pas

Les heures qui viennent jusqu’au coucher du soleil, voire jusqu’au milieu de la nuit, vont s’apparenter à une navigation par ricochets : une grand bond, suivis de quelques petits rebonds, un arrêt buffet et un nouveau ricochet ! Le tout au milieu du trafic maritime et en prenant en compte les effets de marée puisque le coefficient du jour atteint 90 et la marée qui commence à descendre depuis 15h25 devant Calais va s’inverser vers 22h40… Il vaudra mieux avoir passer la pointe de Dungeness avant cette heure fatidique ! Et il faudra « tricoter » dans le bon sens pour grappiller les milles face à un vent contraire qui est déjà canalisé par le Pas de Calais.

Car la suite sera beaucoup plus simple pendant toute la traversée de la Manche : derrière un front en cours de dégénérescence qui descend de l’Ecosse et qui va passer sur Douvres en milieu de nuit, un régime de Nord va se construire d’une dizaine de nœuds pour se renforcer de plus en plus en gagnant dans l’Ouest jusqu’à 20 nœuds et plus. Une nouvelle fois, les leaders du moment pourront creuser l’écart et il ne faudra donc pas être décroché de plus de quinze milles à cet instant névralgique. Car la remontée en mer d’Irlande dans un flux orienté au Nord-Est d’une quinzaine de nœuds va aussi s’essouffler au fur et à mesure que la flotte va se rapprocher de Dun Laoghaire : la première étape n’est certes pas jouée, mais sur ce parcours de 1 238 milles, c’est le leader qui pour l’instant, a toujours pu conserver le petit bonus qui permet de garder un zest de sérénité…

Ils ont dit

Michel Desjoyeaux à bord de FONCIA à 6h.

« C’est une belle nuit avec de la lune et peu de nuages : une navigation très agréable ! En fait, on a commencé à tamponner lorsque nous sommes arrivés sur les côtes néerlandaises : une bulle anticyclonique traversait le Sud de la mer du Nord et nous avons pas mal ralenti. Maintenant, nous sommes de l’autre côté de cette bulle près des côtes anglaises et nous avons une quinzaine de nœuds de vent de secteur Sud-Ouest. Par contre, il faut être attentif parce qu’il y a des plateformes partout et il faut zigzaguer ! On tire de grands bords vers l’entrée de la Tamise. »

Sébastien Josse à bord de Groupe Edmond de Rothschild avant le lever du soleil

« On court après nos petits concurrents et on fait du slalom entre les bancs de sable, le trafic maritime et les plateformes pétrolières ! Depuis la pointe danoise de Skagen, nous avons des conditions assez changeantes, contre le vent mais pas forcément désagréables. On attend d’entrer en Manche pour naviguer dans des eaux un peu plus claires avec moins de marques de parcours… La situation météo correspond au routage prévu et il n’y a pas d’ouvertures en vue avant la prochaine zone de calmes qui nous attend dans une dizaine d’heures, à l’approche du Pas de Calais. Il n’y a pas vraiment d’option du fait des bouées à respecter près de la côte anglaise, mais c’est une zone de transition importante pour cette première étape. Les écarts vont rester les mêmes jusqu’à Douvres, voire un peu après car il est difficile de récupérer des milles dans ces conditions de vent. »

Brian Thompson sur Musandam-Oman Sail à 10h

« C’était un bon moment de navigation en mer du Nord ces dernières 24h : mer plate et 10-18 nœuds de vent. Nous avons vu Groupe Edmond de Rothschild hier matin et après des routes très différentes toute la journée (nous avons concédé jusqu’à 50 milles), nous les avons revus le soir ! Et il est encore là ce matin, à environ six milles : c’est une course excitante… Tout le monde est concentré sur la vitesse du bateau, et nous savons qu’aujourd’hui est une journée critique puisque le vent va s’essouffler à l’entrée de la Tamise : la flotte va se compresser. Le premier qui sortira de ce piège aura un gros avantage pour aborder l’Irlande ! Ici, c’est impressionnant le nombre de cargos et de plateformes : le paysage ressemble plus à la silhouette d’une ville qu’à un horizon maritime… »

Classement du 4 septembre à 14h45

  1. Spindrift racing (Yann Guichard) à 504,4 milles de Dun Laoghaire
  2. FONCIA (Michel Desjoyeaux) à 7,1 milles du leader
  3. Groupe Edmond de Rothschild (Sébastien Josse) à 7,4 milles du leader
  4. Race for Water (Stève Ravussin) à 14,1 milles du leader
  5. Musandam-Oman Sail (Sidney Gavignet) à 16 milles du leader

Source

Caroline Muller

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