La course de tous les chambardements

© Alexis Courcoux

Partis hier en milieu d’après-midi de la Cité Océane pour le morceau de bravoure de la Le Havre Allmer Cup, les 28 engagés de la seconde épreuve comptant pour le Championnat de France de course au large en solitaire sont attendus en fin de soirée, vers 23 heures sur la ligne d’arrivée. Les 240 milles de régate au contact auront tenu toutes leurs promesses, de vents changeants, de mer formée, et de navigation au plus près des côtes, dans le trafic et les bancs de sable du Solent.

Après une traversée aller marquée par les orages qui auront indistinctement et aléatoirement redistribués les cartes, toute la matinée a donné lieu à une invraisemblable passe d’armes dans les eaux mythiques du Solent, aux abords de Cowes, la Mecque du Yachting, où les Figaristes ont offert le trépidant spectacle de leurs virevoltantes manœuvres entre ferries, bouées de chenal, cailloux et autres bancs de sable. Une empoignade épique d’où l’inspiré Adrien Hardy est sorti vainqueur en début d’après-midi en débouchant en tête à la pointe des Needles, après avoir contourné toute la flotte par le nord le long des rivages de la vieille Angleterre. Le troisième et dernier acte de cette deuxième manche de la Le Havre Allmer Cup s’est enchaîné en quelques minutes au rythme des passages des Solitaires aux Needles. C’est un long bord travers au fort vent d’ouest qui s’engage pour des marins que les tribulations de la course auront à n’en pas douter privé de sommeil. Premiers à toucher le vent, les leaders vont allonger la foulée dans un long sprint de vitesse vers l’arrivée.

L’orage perturbe le début de course.

Le petit temps qui régnait sur la ligne de départ hier après midi sous le cap de la Hève a, au bout de quelques milles de course seulement, été sérieusement bouleversé par l’arrivée inopinée de violents orages. Le vent, comme pris de folie, s’est mis à tournoyer en revisitant tous les points cardinaux. Les choix tactiques méticuleusement étudiés par les 28 protagonistes de l’épreuve s’en sont trouvés réduits à néant et c’est à l’instinct et à la bonne fortune que les Solitaires sont parvenus à parer en début de soirée la première marque de passage située devant Houlgate. Premier sur la ligne, Nicolas Lunven (Generali) se voyait rétrograder en 16ème position quelques instants plus tard. C’est Ronan Treussart (BH Project) qui, prompt à pointer son étrave vers l’Angleterre, s’annonçait déjà comme l’un des grands animateurs d’une course dotée, rappelons le, d’un coefficient 3 dans le calcul des classements généraux de la Le Havre Allmer Cup. Une fois dégagés des effets perturbés de la baie de Seine, les solitaires entraient avec la nuit dans un régime de vent plus stabilisé, qui favorisait le retour aux avants-postes des ténors de la Classe. Et avec l’aube, c’est sans trop de surprises que l’on retrouvait en approche de la massive Tour Nab, à l’entrée du Solent, les « gros bras » de la classe, Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) en tête et premier à se signaler dès 7 heures 06 à la Direction de course. En quelques minutes, les Morgan Lagravière (Vendée), Ronan Treussart (BH Project), Francisco Lobato (Roff), Nicolas Lunven (Generali), Erwan Tabarly (Nacarat), Corentin Horeau (Bretagne Crédit Mutule Espoir) et Gildas Morvan (Cercle vert) s’engouffraient dans un solent de tous les dangers. A signaler l’abandon en début de course de Didier Bouillard, (Jehol), dont l’électronique rendait l’âme sous l’orage.

Un Solent de folie

Face à un faible vent d’ouest et à un fort courant, les Solitaires déjà entamés par une nuit exigeante passée à travailler en permanence sur les réglages, allaient débuter une infernale sarabande tout au long des 20 et quelques milles du bras de mer qui court sous Gosport et Portsmouth. Bord à bord, étrave contre tableau arrière, le groupe cité plus haut allait prendre tous les risques, virant au tout dernier moment à l’approche des cailloux et autres bancs de sable qui émaillent ces rivages témoins des plus glorieuses heures du yachting. Tour à tour, même les plus expérimentés « routiniers » de la Série allaient à un moment ou un autre connaître les affres du talonnage, heureusement sans conséquence, sur les haut fonds sableux. Le spectacle offert aux amoureux de belles régates Britanniques étaient de toute beauté mais c’est d’un tout autre point cardinal de l’île de Wight qu’allait surgir la surprise du jour. Adrien Hardy (Agir recouvrement), passé 17ème sous la tour Nab, jouait son va-tout en prolongeant vers les côtes anglaises son premier bord de près. Il s’en allait « hardiment » chercher des eaux plus paisibles et surtout, la renverse des courants qui le propulsait sans coup férir au nez et à la barbe du nouveau leader, le Portugais Francisco Lobato venu à bout des Delahaye et autres Treussart. C’est ainsi qu’à l’issue d’un incroyable duel de virements de bords, c’est un troisième larron qui tirait les marions du feu et s’engageait dans les eaux tumultueuses de la Manche secouée par le coup de vent.

Les hommes forts de la course quittaient l‘Angleterre en bonne position et avec tous les espoirs de l’emporter ; Derrière Hardy, Erwan Tabarly ouvrait lui aussi les voiles et s’envolait travers au vent. Nicolas Lunven, très constant aux avant-postes depuis le début de cette aventure lui emboîtait le pas, en compagnie de Fabien Delahaye et de Francisco Lobato.

L’heure est ce soir à la vitesse dans un vent appelé à se renforcer au fur et à mesure de la traversée. C’est avec la nuit que l’on connaîtra le verdict d’un débat musclé, riche en rebondissements et en histoires de toutes sortes.

Source

Denis van den Brink

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