Les fantômes de l’Atlantique

© MOD70 Groupe Edmond de Rothschild / Gitana S.A.

En approche des côtes anglaises, les trois leaders ont choisi de se cacher ! Le règlement de la KRYS OCEAN RACE offre en effet un joker à tous les équipages : devenir invisible pendant neuf heures grâce au « mode furtif »… Mais en milieu d’après-midi, Spindrift racing était toujours pointé en tête à moins de 500 milles des Scilly quand ses deux dauphins se cherchaient une soixantaine de milles plus loin. L’arrivée de cette transat express est prévue au phare du Petit Minou jeudi en fin d’après-midi ! Rendez-vous aux cœur des « Tonnerres de Brest » avec les équipages vendredi à partir de 15h.

Le premier a utilisé son joker fut Michel Desjoyeaux : au petit matin de ce quatrième jour de mer, FONCIA contactait la Direction de Course pour abattre sa carte dès 9h. C’était ainsi le premier trimaran à passer en « mode furtif », une possibilité donnée par le règlement de ne plus être visible au classement et sur la cartographie, pendant trois relevés satellite soit durant neuf heures. Dans la foulée, Sébastien Josse répondait par la même demande trois heures plus tard et dès ce mercredi midi, Groupe Edmond de Rothschild passait en version « fantôme » ! Il ne manquait plus que le leader qui se devait d’abattre son atout avant de franchir la longitude du phare du Fastnet, limite extrême pour rester invisible… Et Yann Guichard et ses hommes enclenchaient aussi à 15h le « mode furtif » sur Spindrift racing.

Comme des éclairs… aux Tonnerres de Brest !

Et comme les MOD70 ont traversé l’Atlantique comme des éclairs, la Direction de Course décidait aussi de maintenir le parcours initial, c’est à dire enrouler les îles Scilly puis déborder par le large Ouessant et ses dangers avant de piquer sur la ligne d’arrivée devant le phare du Petit Minou. Pas de rallonge donc sur ce parcours de 2 950 milles et l’estimation d’arrivée (ETA) sur la ligne mouillée devant le phare du Petit Minou est désormais programmée pour jeudi en fin d’après-midi pour le leader. Les trimarans resteront au large pour arriver à Brest afin de fêter l’ouverture des « Tonnerres de Brest », vendredi vers 15h dans l’ordre du classement de la KRYS OCEAN RACE.

Car les conditions météorologiques ne vont pas s’améliorer sur la pointe de la Bretagne puisque les trimarans emmènent avec eux une perturbation venue du Labrador qui leur a permis d’écrire un grand « S » depuis le départ de New-York ! Le premier MOD70 ne mettrait ainsi que cinq jours pour traverser l’Atlantique… Soit près de vingt-cinq nœuds de moyenne ! Hallucinant.

A moins de 500 milles des îles Scilly ce mercredi midi, Yann Guichard et son équipage continuaient en effet leur cavalcade dans un vent de Sud-Ouest d’une bonne vingtaine de nœuds sur une mer beaucoup plus organisée. La perturbation qui les propulse depuis Manhattan a poussé l’anticyclone des Açores et l’océan est plus lisse ce qui permet aux barreurs d’attaquer encore plus ! Car le trimaran est moins sollicité structurellement sur une mer seulement ondulée par la grande houle du large : depuis dimanche matin, les équipages sont quasiment restés sur le même bord (tribord amures) et n’ont eu à manœuvrer que pour réduire la grand-voile ou pour passer du gennaker au foc solent…

Rien n’est acquis

Lorsque FONCIA a déclenché le premier le « mode virtuel », il concédait une dizaine de milles à Groupe Edmond de Rothschild et près de quatre-vingt milles au leader Spindrift racing. Ce dernier pourrait être légèrement ralenti ce mercredi après-midi en flirtant avec une dorsale anticyclonique, mais l’effet sera de courte durée : Yann Guichard et ses hommes n’auront théoriquement pas de manœuvre à faire pour enrouler les Scilly et pourront débouler au vent de travers vers la pointe de la Bretagne. Il sera difficile de l’inquiéter sur cette fin de parcours qui n’offre aucune option tactique.

En revanche, la deuxième place est loin d’être acquise ! Avec seulement dix milles d’écart lorsque Michel Desjoyeaux s’est transformé en « fantôme », Sébastien Josse sait qu’il est plus difficile d’anticiper la trajectoire de FONCIA alors que le vent se renforce, que la visibilité se dégrade sous les nuages bas et la pluie, et que la brise tend à basculer vers l’Ouest. Il y a donc la possibilité d’empanner sans que son concurrent ne puisse le voir. Et devenu lui aussi « invisible » sur les écrans, Groupe Edmond de Rothschild peut changer de trajectoire ! Les deux prétendants au podium ne découvriront leur trace respective qu’à la longitude du phare du Fastnet… A moins qu’ils ne soient tellement proches qu’ils se voient sur leur écran radar. En tous cas, leur final pour traverser la Manche s’annonce de toute beauté car il est fort probable que les deux équipages soient au contact au passage des Scilly.

Yann Guichard (Spindrift racing) : « La mer est devenue plus plate depuis le milieu de la nuit : on se remet à attaquer ! On va pouvoir aller tout droit jusqu’aux Scilly, toujours à près de trente nœuds de moyenne. On devrait passer la marque anglaise vers jeudi midi. Stratégiquement, il n’y a pas vraiment d’option : il nous faut juste tenir le rythme de nos poursuivants…
Les modèles météo convergent pour cette fin de traversée avec un peu plus de brise ces prochaines heures. Et un vent de travers pour finir sur Brest. On avait la sensation la nuit dernière d’être sur les bancs de Terre-Neuve : il y avait une bruine dense mais ça commence à s’éclaircir même si le plafond reste bas et gris. Nous sommes en veille permanente au radar : cela nous permet de bien anticiper la route des cargos mais aussi de voir les grains qui se forment. On reste vigilant. »

Sébastien Col (FONCIA) : « C’était un peu notre dernière cartouche avant le Fastnet pour se cacher et tenter des choses… L’intérêt, c’est surtout de mettre la pression sur notre concurrent direct, Groupe Edmond de Rothschild. Il ne sait plus comment on mène le bateau, même si la route pour les Scilly est assez directe. On n’avait plus trop de possibilités d’utiliser ce monde fantôme après… Ces prochaines heures, on va reprendre un peu de terrain au leader, mais pas suffisamment pour l’inquiéter. Mais en ce moment, on a mis la barre vitesse un peu plus haute ! Là, on va directement se coucher après son quart : ça ne rigole plus… Seb cherche à nous contrôler : à nous de saisir une opportunité pour revenir au contact ! »

Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) : « On ne peut pas être au maximum de la vitesse, mais les conditions sont bonnes avec une mer relativement plate et une belle brise. On profite de notre position pour faire barrer Farad et Moshin parce qu’il y a peu de chance de gagner une place à moins d’une avarie. Pour installer le foil tribord à bâbord, il a d’abord fallu enlever le morceau cassé, puis hisser l’appendice qui fait autour de 90 kg avec une drisse. Ce matin, on a réussi du premier coup à glisser le foil dans le puits bâbord avec trois équipiers en basculant le mât sous le vent pour que ce soit plus facile à encastrer. Mais on ne peut le descendre que de 80% ! Cela ne nous empêche pas de faire des « plantés » dans une vague de temps en temps… Autrement, l’équipage se porte bien. »

Stève Ravussin (Race For Water) : « Attendez : je reviens ! Je vais pomper mes 150 litres d’eau… Me revoilà, quelques coups de pompes et c’est reparti ! Nous nous sommes donnés un timing de 40 minutes max pour ne pas avoir trop d’eau devant, la fissure à l’air de ne pas s’agrandir donc c’est bon signe….
Quand nous avons appelé le bateau « Race For Water », je n’ai pas pensé qu’à la première transat en course, nous allions finir dans un container ou un sous marin américain ? Qui sait ? En tout cas, je pense que lui n’a rien eu… Comme je le disais, le nom du MOD 70 est encore plus justifié quand on n’arrive pas à traverser l’Atlantique sans taper quelque chose : c’est qu’il y a vraiment un souci quand on voit la surface de la mer sur le globe ! »

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