Sprint Atlantique

© Spindrift Racing

711,9 milles en 24 heures, soit plus de vingt-neuf nœuds de moyenne ! Les trois leaders de la KRYS OCEAN RACE ne ralentissent pas depuis qu’ils ont laissé Long Island à l’horizon… Toujours leader avec une petite marge supplémentaire acquise la nuit dernière, Spindrift racing ouvre la voie sur une trajectoire parabolique parfaite. Dès jeudi soir, les Scilly seront à vue et l’arrivée à Brest est prévue vendredi en milieu de journée.

Au départ de New-York, les cinq équipages se doutaient que l’océan allait être avalé à toute vitesse, mais de là à exploser les compteurs comme le font les trois leaders qui, depuis le coup de canon du départ, ont aligné 711,9 milles en une journée et encore 700,6 nœuds ces dernières 24 heures ! Soit 29,65 nœuds et 29,20 nœuds de moyenne… Des vitesses hallucinantes dues à la pression qui règne sur le plan d’eau entre les trois premiers qui ne veulent pas se faire décrocher. Car plus les trimarans restent proches du front qui se décale vers l’Irlande, plus ils bénéficieront de ce flux de Sud-Sud Ouest de plus de 25 nœuds longtemps…

Le grand « S »

Après une douce descente vers l’Est-Sud Est, les navigateurs ont incurvé leur trajectoire pour glisser dans une brise qui a progressivement pris du Sud : cette courbe presque parfaite va s’inverser dans les prochaines 24 heures quand la flotte aura dépassé la longitude des Açores et raccrocher l’orthodromie (route directe) autour du 50° Nord. Il faudra alors bien se positionner pour éviter un double empannage ou, à tout le moins, réduire son impact sur la distance à parcourir. C’est pourquoi tout le monde cherche à glisser le plus possible dans l’axe des vagues pour profiter au mieux de la bascule de vent au secteur Ouest-Sud Ouest attendue mercredi.

Ainsi, Yann Guichard (Spindrift racing) a réussi à encore grappiller des milles la nuit dernière, essentiellement grâce à un cap plus abattu : Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild) est ainsi plus à l’Est d’une vingtaine de milles et Michel Desjoyeaux (FONCIA) d’une quinzaine de milles de plus. C’est ce décalage qui va peser sur la hiérarchie finale car les conditions météorologiques vont rester assez similaires ces prochaines heures. Sous grand-voile haute ou avec un ris et gennaker ou foc solent en fonction des creux et des grains, le barreur doit maintenir une concentration extrême : presque tous les skippers signalaient au moins un « planté », un méchant enfournement des étraves qui peut mal se finir malgré la sustentation des foils…

Arrivée vendredi

La vie à bord est donc particulièrement rude car presque tout est trempé à l’intérieur. Et les secousses à chaque passage de vague imposent au prétendant au sommeil de caler ses pieds sur une cloison pour amortir le choc lors que le MOD70 passe de plus de 35 nœuds à moins de 15 nœuds en quelques secondes… Plusieurs équipiers ont été projetés violemment à travers le bateau et il est impératif de s’attacher très court sur le pont submergé par les vagues et les embruns. Le port du casque est obligatoire pour le barreur qui ne peut se repérer dans ce déluge d’eau, que grâce à ses répétiteurs électroniques. Et si de jour, les hommes peuvent encore anticiper lorsqu’ils voient une vague plus vicieuse, c’est de nuit une autre dimension surtout que la lune dans son dernier quart, perce difficilement une masse nuageuse qui ajoute encore des torrents d’eau au déferlement des vagues.

La fatigue se fait donc sentir car les rares moments consacrés aux repas et au repos sont enrobés d’un fracas incessant entre le bruit des trombes de mer, la stridence de la dérive dans son puits, le souffle musclé sifflant dans les haubans et les chocs des étraves dans un soudain mur d’eau qui font trembler toute la structure en carbone. Les skippers sont aussi aux aguets car les trimarans sont restés sur la même amure (tribord) depuis deux jours et cela risque de continuer encore deux autres jours. Les efforts encaissés se multiplient donc sur les mêmes éléments des MOD70. Bref, il faut s’attendre à accueillir à Brest dès vendredi des équipages totalement rincés et épuisés par la tension permanente et le manque de sommeil cumulé sur cinq jours de mer… A noter que Sidney Gavignet et ses hommes (Musandam-Oman Sail) arrivent à contenir leur écart dû à leur rupture de foil avec 185 milles de retard sur le leader, tandis que Stève Ravussin et son équipage (Race For Water) sont nettement plus handicapé par leur dérive endommagée et avec 350 milles de décalage, ne sont déjà plus dans la même situation météorologique que les trois leaders.

Sébastien Col (FONCIA) :

« Ce midi, nous n’avons pas trop de mer avec 25 nœuds de vent ce qui nous permet de glisser pour gagner dans le Nord-Est. Mais d’après les routages, il y en a pour un petit moment avant d’empanner à l’atterrissage sur l’Angleterre. Nous avons un cap à suivre donné par le navigateur mais le barreur s’adapte à l’état de la mer. Nous avons un petit décalage Sud par rapport au leader Spindrift racing et c’est pourquoi nous essayons de bien abattre sur les vagues. Il faut faire le dos rond en tentant de faire le moins de milles possible et en nous rapprochant de la route directe. »

Yann Guichard (Spindrift racing):

« Au fur et à mesure que nous montons dans le Nord, les vagues grossissent et il faut trouver le juste milieu côté voilure. Nous n’avons pas pris de grains cette nuit et le vent était plus stable en intensité, mais nous sommes pile dans la fourchette 24-28 nœuds de vent où il faut choisir d’envoyer le foc solent ou le gennaker. C’est assez éprouvant pour les gars sur le pont : on ne va pas tarder à prendre un ris dans la grand-voile car on essaye de faire les manœuvres lors des changements de quart, toutes les deux heures. On a fait un beau « planté » en début de nuit : on a sorti les trois safrans de l’eau et la coque a enfourné jusqu’au pied de mât. Un équipier à l’intérieur a fait un vol plané de la cuisine jusque dans les bannettes : il s’est fait un peu mal au dos, mais rien de grave. »

Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild) :

« Il y a désormais un trio en tête et c’est assez sollicitant de tenir la cadence. On va essayer de continuer à naviguer aussi vite pour ne pas se faire décrocher. Ce n’est pas évident de trouver le repos avec les arrêts brusques que nous encaissons parfois quand les étraves plantent dans une vague. On arrive tout de même à souffler un peu et on s’alimente correctement. Pour cette journée de mardi, nous aurons encore 20-25 nœuds, parfois un peu plus avec des creux de 2,50 mètres à 140° du vent. Cela va durer quasiment jusqu’à l’arrivée… Notre vitesse « nominale », c’est trente nœuds ! Après, on régule selon l’état de la mer. »

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