De l’olympisme à La Solitaire

© Alexis Courcoux

La troisième étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard Cachemire à destination de Cherbourg-Octeville (départ dimanche 13h00) emmènera les 37 concurrents sous les côtes sud de l’Angleterre. La route directe fera passer les marins tout près de Portland Bill, le cap qui ferme la baie de Weymouth. Weymouth, c’est le site de la voile pour les J.O de Londres. En passant à proximité de ce plan d’eau, une partie des Figaristes aura sans doute une pensée émue pour les copains du dériveur qui porteront les couleurs de la France en terres britanniques à partir du 29 juillet *.

Le dériveur de haut niveau, les préparations olympiques, la magie des Jeux, ils sont quelques figaristes à l’avoir vécu. On l’a peut-être oublié, mais Gildas Morvan (Cercle vert) représentait la France à Atlanta en 1996 en Soling (avec Marc Bouet et Sylvain Schtounder). Frédéric Duthil (Sepalumic) a passé huit ans en équipe de France élite de planche à voile, Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste), Paul Meilhat (Skipper Macif 2011) et Morgan Lagravière (Vendée) auraient pu gagner leur ticket pour les Jeux en Laser ou 49er, Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) a longtemps pratiqué le 470. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir été des inconditionnels de la régate entre trois bouées sur de petits bateaux légers avant de devenir des loups de mer. Que leur ont apportées toutes ces années d’olympisme ? Qu’ont-ils découvert en course au large ? Nous leur avons posé la question…

L’olympisme, ça apprend à :

Encaisser la charge de travail

« Le volume d’entraînement est énorme, nous dit Paul Meilhat. C’est un truc de bourrin, on est sur de la répétition. Culturellement, on s’entraîne moins en course au large. On pourrait vraiment naviguer plus mais en même temps, il faut conserver une certaine fraicheur quand tu arrives sur une course ». 250 jours sur l’eau, c’est la dose moyenne pour un coureur olympique. Le travail est très poussé dans des domaines spécifiques et il faut sans cesse réviser ses gammes. « Ça t’apprend la rigueur, la sueur que tu vas donner pour atteindre tes objectifs », confie Fred Duthil.

Vivre sous pression

Entrer en équipe de France, atteindre les quotas élite pour y rester, disputer des championnats internationaux à raison de 3 ou 4 manches par jour, vivre une sélection pour les J.O… très jeune, le coureur olympique est soumis à la pression. Morgan Lagravière : « on apprend beaucoup sur la gestion du stress. Vivre deux sélections pour les J.O à 18/20 ans, c’est vivre une pression nettement supérieure à ce qu’on vit en Figaro ». Damien Guillou : « j’ai appris à naviguer avec de la pression, à faire de longs championnats fatigants nerveusement où pendant 7 jours, il faut tenir sa place ».

Régater, régler, avancer vite, se préparer mentalement et physiquement

La régate au contact, la tactique rapprochée, la capacité à prendre des départs très tendus avec parfois pas loin de 100 bateaux sur une ligne, la finesse de barre, des réglages, la faculté à exploiter rapidement le potentiel de vitesse des bateaux, la micro-météo, l’analyse des performances, tels sont les atouts des anciens du dériveur.

Se prendre des bâches

Fred Duthil : « très jeune, tu apprends à te prendre des baffes dans la tronche. Tu ne ressors jamais indemne d’une préparation olympique. Ça forge le caractère, ça force à rester humble pour la suite et ça, ça sert vraiment pour La Solitaire. Et dans la vie en général. C’est une bonne école de la vie ».

Mais ça n’apprend pas :

La gestion de projet, le professionnalisme, l’aspect technique

En voile olympique, une fois atteints les quotas pour entrer en équipe de France, le coureur est pris en charge par la structure fédérale : entrainement, logistique, frais. A partir d’un certain niveau (et à cette condition seulement), il est un peu « cocooné ». En Figaro Bénéteau, le skipper est livré à lui même pour gérer son projet, au plan technique et financier. Et au début, c’est toujours déroutant. Fred Duthil : « le circuit Figaro est par définition individualiste. Et sur toute la partie montage de projet, tu es vraiment seul ». Paul Meilhat : « les premières années en Figaro, je ne gagnais pas d’argent, j’en perdais même à chaque course (ce n’est plus le cas depuis deux ans avec Skipper Macif). Et trouver un sponsor ne fait malheureusement pas partie de mes compétences. Ma phobie, en Figaro, c’est ça ». Dans la gestion du projet, il y a aussi celle du bateau, plus grand, plus compliqué et bardé d’électronique. Damien Guillou : « en 49er, ce n’était que du sport. Pas de préparation du matériel. Sur le circuit Figaro, tu passes une bonne partie de l’année à préparer le bateau et ça prend un temps fou ».

La météo, la stratégie à moyen terme

« Je pensais qu’en étant super fort sur des bananes, ça le ferait, dit Damien Guillou. En fait, ce n’est pas comme ça que ça marche ». Sur la Solitaire, prendre un bon départ, savoir se placer par rapport à la flotte et jouer les micro bascules de vent ne suffisent pas. Tous les anciens du dériveurs ont dû apprendre à réfléchir à une autre échelle : les grands phénomènes météo, la stratégie à long terme, sur 24 ou 48 heures. Et à maîtriser tous les outils informatiques d’aide à la navigation.

La gestion de l’effort

Une manche de 49er dure moins de 30 minutes. Une étape de Figaro peut durer plus de 72 heures. L’apprentissage le plus dur est celui de la gestion du sommeil, de la vie en mer, de l’intensité de ses efforts. Gildas Morvan : « Au début, j’avais du mal, ne serait-ce que dans la gestion de ma tenue vestimentaire. J’étais à fond sur le pont, trempé à la fin de la journée, quand la nuit arrivait. Le bateau était pourri à l’intérieur, j’étais dans le rouge ». Morgan Lagravière : « quand on vient de l’olympisme, on se sait pas où placer le curseur et souvent, on le place trop haut en début d’étape. Moi, je suis un hyper actif et j’ai tendance à être trop à fond dès le début ».

Au bout du compte, un bon coureur olympique fait-il un bon figariste ? Pas automatiquement nous dit Paul Meilhat : « On sait faire avancer les bateaux. Au bout d’un an ou deux, tu peux faire des résultats, mais ça ne fera pas de toi un marin de course au large. L’élément de base qui fait un bon figariste, c’est la passion de vivre en mer, tout seul »

*La délégation tricolore aux J.O de Londres

Jean-Baptiste Bernaz (Laser), Sarah Steyaert (Laser radial), Jonathan Lobert (Finn)
Charline Picon (RS :X Femme), Julien Bontemps (RS:X Homme) , Xavier Rohart et Pierre-Alexis Ponsot (Star), Manu Dyen et Stéphane Christidis (49er ), Claire Leroy, Marie Riou, Elodie Bertrand et Claire Pruvot (match racing) , Pierre Leboucher et Vincent Garros (470 Hommes), Camille Lecointre et Mathilde Géron (470 Femmes).

Paralympiques : Damien Seguin (2.4), Bruno Jourdren/Nicolas Vimont Vicary/Eric Flageul (Sonar). Dans cette catégorie, à noter que Damien Seguin et Bruno Jourdren ont toujours pratiqué voile légère et course au large. Ils sont tout deux d’anciens figaristes.

Source

RivaCom

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