Qui va vite va loin, qui va lentement va mieux ?
Après 24 heures lors desquelles ils ont bombardé au point d’améliorer encore une fois le record de la plus grande distance parcourue en 24 heures déjà battu il y a tout juste quelques jours par Nicolas Lunven (Holcim – PBR) avec un total de 551,84 milles engloutis par Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA), les leaders du Vendée Globe ont commencé à butter dans le Pot-au-Noir, ce mercredi. Toujours très redoutée par les marins, cette zone de convergence intertropicale qui se caractérise par une forte instabilité météorologique et rend les projections de navigation particulièrement compliquées, promet d’être très « active ». L’enjeu pour les marins ? En sortir en y laissant le moins de plumes possible. C’est d’autant plus vrai que plus vite ils parviendront à se dépêtrer de ce marasme, plus ils auront de chances, ensuite, de bénéficier de conditions exceptionnelles en Atlantique Sud !
Et bim ! Le record des 24 heures en solitaire et en monocoque, qui avait été battu entre le 12 et le 13 novembre derniers par Nicolas Lunven au large du Portugal, est donc une nouvelle fois tombé. Entre 8h30 hier et la même heure aujourd’hui, Yoann Richomme a en effet fait parler la poudre, couvrant un total de 551,84 milles à la moyenne époustouflante de 22,9 nœuds. En attente d’homologation officielle par le WSSRC, cette performance, qui améliore de 5,24 milles la précédente, en laisse augurer de plus folles encore lors de cette 10e édition du Vendée Globe. Il y a en effet, fort à parier que les marins et leurs machines continuent de nous surprendre lors de ce tour du monde. Dans l’immédiat, il y a toutefois un autre gros dossier à gérer : le Pot-au-Noir. Les premiers ont d’ores et déjà commencé à buter dedans. En tête depuis hier matin, Sam Goodchild (VULNERABLE) a logiquement été le premier à être ralenti aux environs de 6 heures, avant d’être imité progressivement par ses rivaux les plus proches.
Une zone instable et parfois dangereuse
La bonne nouvelle, c’est que ce front intertropical pourrait ne pas les embêter beaucoup plus de 24 heures, la moins bonne c’est qu’il se confirme très actif. Cumulonimbus, orages violents, pluies diluviennes, vents faibles et variables… rien ne devrait en effet leur être épargné ! Nerveusement et physiquement, voilà donc qui promet d’être épuisant. « Dans le Pot-au-Noir, les marins doivent jongler entre les grains, parfois méchants et soudains, et les molles. Cela leur impose de sans cesse changer de voile puis d’être à l’affût du moindre bouleversement », note Jacques Caraës, adjoint à la Direction de course qui sait par expérience à quel point la zone peut devenir un bazar monumental. « C’est un truc qui bouge toujours beaucoup et de manière complètement imprévisible. On dit souvent qu’il faut y arriver par l’ouest car ça passe mieux puis en ressortir par l’est pour avoir un bon angle de progression ensuite, ce qui est un peu contradictoire. Il faut donc se montrer malin pour arriver à se faufiler au bon endroit dedans, mais aussi une fois à l’intérieur ! », a commenté Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement), actuellement en train d’ajuster sa trajectoire d’atterrissage au plus juste quand, en tête de flotte, les jeux sont déjà faits.
Quand décalage risque de rimer avec écart
Arrivés presque parfaitement alignés mais étalés sur 170 milles en latéral, Sam Goodchild, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), Yoann Richomme, Nicolas Lunven et Thomas Ruyant (VULNERABLE) ne seront assurément pas tous mangés à la même sauce, et il en sera de même pour leurs poursuivants, plutôt bien éparpillés eux aussi. « C’est une zone toujours très aléatoire. Je la surveille sur les cartes isobariques depuis un petit moment. Je vois que tous les jours c’est différent et surtout imprédictible ! », a ajouté Louis Duc, qui s’apprête à le franchir pour la quatrième fois dans sa carrière de marin quand certains, à l’image de Violette Dorange (Devenir) et Oliver Heer (Tut Gut), se préparent à s’y confronter pour la toute première fois, avec forcément des interrogations plein la tête.
La délivrance dans 24 heures ?
« C’est un passage que je ne connais pas du tout. J’essaie d’observer les cartes, de comprendre comment ça fonctionne. Je tente de m’y préparer au maximum. Je sais qu’il va aussi y avoir une part de chance. Je pense que ça va rebattre les cartes », a avancé la benjamine de la course qui devrait avoir à se dépatouiller du fameux Pot d’ici à 48 heures, alors que les premiers en auront terminé. En effet, ces derniers devraient en principe – si tant est que l’on puisse affirmer quoi que ce soit – le laisser dans leur sillage demain en milieu de journée, puis retrouver un flux de secteur sud-est modéré pour les accompagner jusque dans l’Atlantique Sud. Un Atlantique Sud où, d’ores et déjà, les regards sont beaucoup tournés. Et pour cause, la probabilité d’attraper une dépression au large du cap Frio, au Brésil et de partir tout schuss avec elle jusqu’au cap de Bonne Espérance se dessine pour le groupe de tête. « C’est un schéma comme on n’en voit peu souvent et qui serait probablement jugé parfait pour les chasseurs de records en grands multicoques », note Jacques Caraës. Si un tel scénario venait à se confirmer, pas sûr que le nouveau record des 24 heures réalisé ce mercredi par Yoann Richomme résiste finalement très longtemps…