Coup de maître ou coup pour rien?

© Pierrick Contin

La tête de flotte se rapproche au largue de l’arc antillais avec un passage en République Dominicaine (à laisser à tribord) d’ici trois jours. Jean-Pierre Dick et Jérémie Beyou gèrent à merveille leur avance sur l’ensemble du groupe Imoca dont deux protagonistes se sont désolidarisés pour tenter un coup au sud. Même strat&eac ute;gie pour le Multi50 Maître Jacques qui a repris 400 milles au leader Actual.

Depuis 48 heures, la lune éclaire de son grand projecteur le sillon écumant des voiliers et les algues de la mer des Sargasse recouvrent le pont des bateaux. Au largue, la navigation est toujours un peu sportive et les marins n’ont pas encore rangé définitivement leur ciré. Mais l’eau est maintenant à 26 degrés et les embruns sont presque les bienvenus, même à bord de Virbac-Paprec 3 dont les bulles de protection de cockpit ont explosé en début de course.

Imoca : La chasse à la troisième place est ouverte

En tête depuis maintenant 5 jours, Jean-Pierre Dick et Jérémie Beyou sont confiants à plusieurs titre : ils sont sur la bonne route, ils tiennent la cadence en vitesse face à leur principal adversaire Hugo Boss et ils ont plus de 200 milles d‘avance sur le peloton des chasseurs. Rien ne saurait les arrêter, à l’exception d’un ennui technique.
Derrière, les motivations sont ravivées par un nouvel objectif : la chasse à la troisième place. Et cet enjeu concerne tous les bateaux classés derrière Hugo Boss. Pour monter sur le podium, deux solutions s’offraient hier à ces poursuivants. La première : rester sur une option conservatrice proche de la route ouest des leaders, minimiser les pertes et tout miser sur la vitesse. C’est l a voie suivie par Banque Populaire, Macif, Bureau Vallée, Mirabaud et Safran. Deuxième possibilité : tenter le coup de la dernière chance en jouant sur une stratégie opposée à celle des hommes de tête. Deux Imoca et un Multi 50 (Groupe Bel, Gamesa et Maître Jacques) ont voté pour cette option et sont partis chercher fortune dans le sud, au plus près de la route directe.

Les échappés du sud

Pour Maître Jacques, dont l’ambition est de détrôner l’unique rival Actual (qui navigue avec les leaders Imoca), le coup est pour l’instant parfaitement réussi. En 48 heures, Loïc Féquet et Loïc Escoffier ont ré ussi à combler les 400 milles de retard qui les séparaient du trimaran vert et rouge. Au pointage de 17 heures ce jour, Maître Jacques n‘était plus qu’à 17 milles de son concurrent. « Comptez sur nous pour être à fond jusqu’au bout » prévenait un Loïc Escoffier épanoui à la vacation de midi.
Pour Groupe Bel, le gain n’est pas aussi énorme (130 milles). « Qui ne tente rien n’a rien » écrivait Kito de Pavant ce matin et « de toute façon, terminer 6e ou 9e n’a pas grande importance. Je préfère avoir essayé plutôt que de suivre le train ».
Quant à Gamesa, qui a tempor isé avant de suivre les deux échappés du sud, il se trouve dans une position intermédiaire qui pourrait s’avérer délicate dans les heures à venir.
Car l’embellie pour les hommes du sud pourrait n’être que très temporaire. Il seront bientôt affectés par des zones de vents faibles.

L’anticyclone des Açores descend sur les Class40

Les Class40 eux, sont éparpillés sur un carré de 400 milles de côté, entre la latitude de Madère et celle des Canaries ! Le phénomène météo qui les concerne est l’anticyclone des Açores. Ces haut es pressions prodigueront bientôt de solides alizés pour les leaders et les tandems les plus au sud (Aquarelle.com, ERDF des Pieds et des Mains puis Groupe Picoty, Phoenix Europe Express et 11 Hour Racing) tandis que les retardataires vont souffrir dans les petits airs. Ce sera pour eux la double peine : plus longtemps affectés par le mauvais temps et une navigation inconfortable dans les grains, ils vont ensuite peiner dans un flux erratique. A noter que dans cette catégorie, le seul équipage 100% féminin de cette Transat Jacques Vabre (l’Allemande Anna Maria Renken et la Slovène Jakica Jesih) est actuellement en escale technique à Ponta Delgada (Sao Miguel, Açores) dans le but de réparer son safran tribord.

Ils ont dit :

Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) : « plutôt confiant »
« On est plutôt confiant, compte tenu de notre belle avance, on navigue proprement et on contient bien Hugo Boss. Il y aura forcément un petit facteur chance sur l’arrivée. Il peut se passer plein de choses, dont la casse matérielle ; il faut rester prudent. On a été surpris par une bulle anticyclonique la nuit dernière : le vent est passé de 35 à 2 nœuds en 10 minutes. On s’est retrouvé sans vent à avancer seulement avec des vagues et ça a duré presque quatre heures. Mais l’écart est resté le même avec Hugo Boss.
On prend le temps de regarder le paysage. On a eu droit à la pleine lune avec des dauphins. Même si on est concentré sur nos sujets, on prend le temps de regarder la beauté de ce spectacle, dont ce matin, l’aube avec de jolies couleurs. Mon paysage actuel : Jérémie qui n’est pas très loin, en train de petit-déjeuner. On devrait passer Mona Passage dans deux jours. Ensuite, il restera 900 milles pour la fin, avec une arrivée estimée dans cinq à six jours. »

Alex Thomson (GBR) (Hugo Boss) : « Une jolie route directe »
« Ça fait du bien d’être aux avant-postes, mais ne vendons pas la peau de l’ours avant de l& rsquo;avoir tué ! Je vous dirai ce qu’on ressent une fois arrivé. Nous avons une jolie route directe, un empannage devrait être suffisant, la brise va continuer à faire de la droite toute la journée et nous naviguons actuellement au reaching sous grand-voile haute à une vitesse de 17 nœuds. Le vent va tourner nous permettant de hisser le gennaker et il tournera davantage jusqu’à hisser le spi et vers minuit ce soir, nous pourrons enfin empanner. Evidemment, être en deuxième position est positif pour nous, mais le réel avantage de cette course est de vraiment situer le bateau en termes de performances par rapport aux autres. Sinon, c’est génial de naviguer avec Guillermo, il a tellement d’expérience, il a beaucoup à dire et nous travaillons très dur tous les deux pour rendre le bateau plus performant, tout en s’assurant de ne pas tirer trop fort dessus et de ne rien casser. C’est un vrai personnage et j’apprécie de naviguer avec lui tout en s’amusant. C’est un mec bien. »

Loïc Escoffier (Maître Jacques) : « on ne vas pas lâcher le morceau »
« On y croyait à cette option, mais je ne pensais pas qu’on reprendrait sur Actual aussi
rapidement, pour l’instant ça a payé ! On a une petite zone de transition devant nous ce soir ou en début de nuit, il va falloir gérer. Yves (Le Blévec/Actual) va avoir du vent, lui. En tous cas on est revenus ! Cette nuit on était sous gennaker, grand–voile haute avec une lune, un vrai projecteur. On navigue entre 18 et 26 nœuds en permanence. Le safran fait toujours autant de bruit. J’aurais dû apporter les prothèses auditives que je mets à la pêche, pour filtrer le bruit ! C’est très physique, mais c’est très bon, on est venu pour ces longs bords de glisse pure. On s’entend bien, le bateau va bien, les changements qui ont été faits cette année dessus sont excellents, c’est un vieux bateau avec un mât neuf, qui marche bien, avec deux amateurs à bord ! Et qu’on ait quatre-vingts milles ou plus de retard à St-Barth, comptez sur nous, on ne va pas lâcher le morceau ! »

Kito de Pavant (Groupe Bel) : « des risques mesurés »
« En suivant le petit train, c’était route obligée par le nord. On sera moins véloce que les gens du nord demain, mais on essaye de tenter quelque chose pour jouer le podium. On prend des risques, mais mesurés. On partait pour la gagne, on s’est trompé sur une option sud qu’on doit assumer. Il y a encore du jeu, on va essayer de se procurer quelques ouvertures, qui nous permettraient de revenir un peu. Mais entre sixième ou neuvième, ça n’a pas grande importance. Je ne suis pas très confiant dans cette route sud, car on risque d’être très ralenti la nuit prochaine, il y deux zones sans vent prévues, on va essayer de passer entre les deux. Les fichiers se sont dégradés, mais on va essayer de faire vivre cette option le plus possible.»

Les positions des bateaux ce samedi 12 novembre à 17h00:

IMOCA
1 – Virbac Paprec 3 (Jean-Pierre Dick – Jérémie Beyou) : 1826,5 milles de l’arrivée
2 – Hugo Boss (Alex Thomson – Guillermo Altadill) : 41 milles du leader
3 – Gamesa (Mike Golding – Bruno Dubois) : 223,8 milles du leader

Multi50
1 – Actual (Yves Le Blevec – Samuel Manuard) : 2497,2 milles de l’arrivée
2 – Maitre Jacques (Loïc Fequet – Loïc Escoffier) : 17 milles du leader

Class40
1 – Aquarelle.com (Yannick Bestaven – Eric Drouglazet) : 2674,5 milles de l’arrivée
2 – ERDF Des Pieds et des Mains (Damien Seguin – Yoann Richomme) : 127,1 milles du leader
3 – Groupe Picoty (Jacques Fournier – Jean-Christophe Caso) : 238,5 milles du leader

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Transat Jacques Vabre

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