Une journée dans la molle !

© Erwan Le Draoulec

Les 12 Class40 en route pour Horta, sur l’île de Faial au coeur de l’archipel des Açores, dans le cadre du Défi Atlantique deuxième du nom, connaissent aujourd’hui le premier coup d’arrêt sérieux depuis leur départ samedi dernier de Pointe-à-Pitre. Leur long débordement par l’Ouest de l’anticyclone des Açores, géré avec bonheur et réussite, certes aux allures proches du vent, leur a permis de gagner rapidement dans le Nord, sur une mer quasiment plate et sous le soleil. Changement de décor depuis ce matin, avec l’entrée dans un système de hautes pressions venu des côtes d’Amérique du Nord, et qui va recouvrir la flotte en cheminant vers le Sud. Le vent est tombé radicalement, et par 34 degrés de latitude Nord, les marins retrouvent des températures dignes d’un printemps continental. Polaires et cirés réapparaissent sur les ponts, tandis que les navigateurs surveillent avec impatience l’évolution du baromètre et le retour du vent, par l’Ouest cette fois, signal avertisseur d’un virement de bord à venir en direction d’Horta et de la ligne d’arrivée de cette première étape, distante encore de quelques 1 300 milles pour les meilleurs.

Un temps pour les blonds

L’expression est d’Erwan Le Draoulec, nouveau skipper du 177 Everial, et breton bon teint. Un teint qui par nature supportait peu le chaud soleil des tropiques. La course plein Nord des Class40 permet depuis quelques heures au marins sensibles aux Ultra-Violet, de mettre le nez dehors, sans risquer l’insolation. La course vient assez brutalement de changer de physionomie, avec le retour de températures plus fraiches, l’absence de vent et un ciel plus couvert dans la partie Sud du centre anticylonique à traverser. Ce dernier s’évacue vers le sud et devrait être assez rapidement dépassé par la tête de la flotte. Les leaders lorgnent en effet avec appétit sur les vents d’Ouest qui soufflent derrière ce centre de hautes pressions. Un moment névralgique de la course s’avance, avec ce double changement d’amure à déclencher dans le bon tempo, pour débuter un nouveau chapitre de l’épreuve, ce sprint cap à l’Est vers l’archipel Portugais.

Pas le droit à l’erreur !

Les deux voiliers Italiens, leaders historiques de la course depuis la Pointe des Châteaux en Guadeloupe, sont à l’évidence les mieux positionnés pour déclencher en confiance ces grandes manoeuvres. Ambrogio Beccaria (Alla Grande Pirelli) et Alberto Bona (IBSA) voient cependant leurs adversaires immédiats se rapprocher dangereusement à la faveur de leur entrée dans l’anticyclone. Cela tamponne par devant et derrière les leaders, les poursuivants ont conservé ce matin un poil plus de pression pour grappiller quelques milles au compteur. Axel Tréhin (Project Ocean Rescue) est ainsi revenu à 6,5 milles de leurs tableaux arrières et doit, avec intérêt, analyser les positions et comportements de ses devanciers pour adapter son cheminement dans la molle. Tactique similaire pour Ian Lipinski et ses boys de Crédit Mutuel, obstinément calés sur une route plus occidentale et qui parient, à l’évidence, sur l’arrivée prochaine des vents d’Ouest en priorité dans leurs voiles.
Avec Everial (Erwan Le Draoulec) et Curium Life Forward (Marc Lepesqueux), premier à virer de bord en milieu d’après-midi, s’octroyant du même coup la deuxième place, les 5 premiers du classement se tiennent en une douzaine de milles. Nul n’a décidément le droit à l’erreur.

Les poursuivants se réjouissent bien entendu du ralentissement prématuré de leurs devanciers. De Franz Bouvet (Yoda) 12ème, à Jean Baptiste Laramy (Chocolat Pariès – SCREB), 8ème, les gains sur les leaders se chiffrent en plusieurs dizaines de milles. En attendant, comme c’est souvent le cas en course au large, que l’élastique des écarts ne se retende dans l’autre sens…

Mots du large :

Franz Bouvet – Yoda (65)

« Toujours du près tribord amure et une pleine lune. On se lasse. On espère ne pas perdre trop de temps dans l’anticyclone. Pâtes au menu. De nouveau beaucoup d’algues cet après-midi. Rien d’autre à signaler. »

Axel Tréhin – Project Ocean Rescue (162)

« Pas de nouvelles hier, nous avons été confrontés à quelques galères de connexion internet. Rien de bien grave, on avait juste bouffer tout le forfait… Désormais on va faire ça à l’économie, on vous ramènera plein de belles images en rentrant, on va se concentrer sur la météo et ce qui nous attend n’est pas hyper simple. Autant on sait que l’on va droit vers le centre de la haute pression, synonyme de vent erratique et de vitesse très faible, autant la suite n’est pas très calée. On en saura plus en touchant du vent d’ouest de l’autre côté de l’anticyclone que l’on ne va pas franchement traverser, c’est plutôt lui qui va nous passer dessus en se décalant vers le sud. L’heure du redémarrage nous permettra de choisir quel train on est capable de prendre en direction des Açores, dans l’immédiat la route est chouette mais si on continue comme ça on va finir à Terre-Neuve… de là où l’on est, on est plus proches de St Pierre et Miquelon que de Horta.
Côté classement on est pas mécontents, le placement un peu à l’est en début de course a porté ses fruits et nous a permis de compenser un retard qui à un moment faisait un peu peur, soyons honnêtes. Les italiens sont impressionnants, une sacrée nation de sportifs, ils devraient essayer de jouer au foot je suis sûr qu’ils pourraient un jour participer à la coupe du monde.
Côté vie à bord notre équipage se porte au mieux, appréciant les moments ventés qui nous permettent de bien glisser comme les périodes moins alimentées qui permettent de reposer les corps et faire sécher les cirés. L’air a bien fraichit, nous naviguons désormais à la latitude du Maroc et les nuits sont plus fraiches, on supporte la petite polaire. »

Jean Baptiste Daramy – Chocolat Pariès – SCREB (123)

« C’est la fin de mon quart. Après de jolis grains hier matin, on a eu une zone sans vent. Puis retour du vent en début d’après-midi, au près. Beau temps, belle mer, bateau bien calé au près. Quasi pleine lune qui nous permet de naviguer comme en plein jour. Supers conditions depuis le début de cette première étape. Aujourd’hui, journée compliquée à venir avec zone sans vent, ça va être plus tendu pour bien faire avancer le bateau dans cette zone. Vivement le portant à venir derrière. »

Olivier Delrieu – Vitican (134)
« Tout va bien à bord. Pas d’avarie. Pas de bobo. On ne comprend pas pourquoi nous sommes les plus à l’Ouest de la flotte…mais bon… »

Ian Lipinski – Crédit Mutuel (158)

« Le mur se rapproche… Mais ça va, ça ralenti aussi, le choc ne sera pas trop brutal! Ca se rafraichit un peu la nuit, on va peut être tenter une route sud finalement ! Tout va bien à bord…. Nous profitons de ce calme en mer… »

Mathieu Claveau – Prendre la mer Agir pour la forêt (89)

« Tout va bien à bord du Class40 « Prendre la mer, Agir pour la Forêt » ! Cette nouvelle journée devrait apporter un peu moins de monotonie car nous allons nous approcher de la dorsale ! Cela va changer après les 5 jours de près/reaching.  Le matossage va revenir au goût du jour et tout le bazar entassé en dessous du dessous du dessous va ressurgir ! Christophe va-t’il retrouver sa bouteille de lait ? En attendant, nous allons surtout essayer de rester le moins longtemps possible dans la dorsale. Et ça ce n’est pas gagner. Il va falloir être attentif à ne pas rater et exploiter les moindre petits couloirs de vent !…bref c’est comme le lait sur le feu Vent de 15-18 nds, toujours sous GV et Génois. La température s’est bien rafraichie et nous avons dû sortir une petite laine ! »

Erwan Le Draoulec – Everial N°177

« Cette nuit la lune nous a encore éclairé le chemin. Une voie vers le Nord toujours. Et nous commençons enfin à le sentir le Nord. La latitude de Madère est passée, l’eau est enfin à 20 degrés. Collants, bottes, et cirés ont pu respirer. Le vent est molissant en s’approchant du centre anticyclonique. Nous sommes les plus à l’ouest, on va essayer de trouver une ouverture et jouer notre décalage. Dans le petit temps on avance les poids, 3 équipiers à l’avant, 1 qui règle sous le vent. La vie à 4 est désormais bien calée. 2 qui dorment, 2 qui dorment. Toutes les heures une nouvelle personne sur le pont. Nous sommes 3 à venir du solitaire, avec des manières de faire différentes. Emka a plus l’habitude du collectif en expédition scientifique. Nous sommes tous au service de la bonne marche du canot. En parlant de drôles d’embarcation, on vient de voir les premières Galères Portugaises, ces dangereuses méduses qui gonflent une vessie violette comme une voile rigide. Nous sommes sur la bonne direction vers Horta ! »

Jeudi 6 avril 2023 – Classement à 16h00 (heures françaises)

  1. Allagrande Pirelli – Ambrogio Beccaria à 1 310,3 nm de Horta
  2. Curium Life Forward – Marc Lepesqueux à 1 310,4 nm +0,1 nm
  3. Ibsa Group – Alberto Bona à 1 313,1 nm +2,7 nm
  4. Project Rescue Ocean – Axel Trehin  à 1 316,8 nm +6,5 nm
  5. Crédit Mutuel – Ian Lipinski à 1 322,5 nm + 12,1 nm

Source

Grand Pavois Organisation

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Informations diverses

Mis à l'eau le: 6 avril 2023

Matossé sous: Class40, Course au Large, Défi Atlantique

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