Ça cavale dans l’Indien !

© Jean-Marie Liot

Après avoir affronté la tempête dans la nuit de mardi à mercredi, Charlie Dalin a profité de quelques heures de répit bien méritées avant de reprendre des vitesses plus soutenues cette nuit. Comme lui, la grande majorité de la flotte a mis le pied sur l’accélérateur : une quinzaine de nœuds de moyenne dans le 1er groupe, 20 nœuds pour Armel Tripon et même 16,4 nœuds pour Sébastien Destremau dans l’Atlantique Sud. Retour sur une nuit à haute vitesse.

Le sens de la ponctualité se moque bien des frontières et de la distance. 5 h 01 ce jeudi matin au PC course des Sables-d’Olonne, nuit noir et sonnerie qui résonne. C’est Charlie Dalin au bout du fil. « Je suis encore un peu fatigué », confie-t-il pour commencer alors qu’Apivia progresse à 18 nœuds. Sa voix reste claire, matinée d’un plaisir non dissimulé. Le leader du Vendée Globe est un homme qui se dit « vidé » mais « soulagé » : la nuit précédente, il a affronté ses pires conditions depuis le départ avec une dépression intense obligeant à une vigilance de chaque instant.

« J’ai gagné mes galons de navigateurs des mers du sud »

« Le destin m’a fait perdre mes ‘infos vent’ deux heures avant le début de la tempête. Je ne saurais jamais quelle force maximum j’ai dû affronter et c’est peut-être un mal pour bien ». Seules indicateurs pour comprendre la dureté du moment ? Les sensations, le roulement infernal du vent dans l’armature, la force engendrée à chaque fois que son IMOCA retombait de toute sa hauteur sous l’effet des vagues… « J’étais vraiment à la limite. À un moment, je ne savais plus quoi faire pour ralentir. »

Il a rétracté ses foils, roulé son tourmentin et tenu bon, surtout. Et puis hier dans la journée, le vent a commencé à tourner et le centre de la dépression s’est enfin évacué. Charlie a envoyé un texto à sa compagne et à Antoine Carraz, son chef de projet, pour leur dire que « le gros était passé ». « J’appréhendais beaucoup donc forcément, je suis content d’avoir franchi cet obstacle ». Dans les heures qui ont suivi, Apivia a ralenti. « J’ai eu moins de vent que ce qui était prévu initialement mais c’était un mal pour un bien. Ça m’a permis de faire un check complet de la structure du bateau et de bien dormir. Avec l’énergie que j’avais donné, il fallait que je récupère, que je pense un peu à moi. Je sens que je suis marqué par cet épisode, il va me falloir encore un peu de temps ».

Charlie Dalin, qui compte plus de 180 milles d’avance sur Thomas Ruyant (LinkedOut), son premier poursuivant, sourit : « je crois que j’ai gagné mes galons de navigateur des mers du sud ». Comme Armel Le Cléac’h et François Gabart avant lui, le skipper refuse en revanche de parler de « fierté ». Il y a des mots qui s’emploient moins facilement en mer qu’à terre. Les océans, et l’Indien en particulier, obligent toujours à rester humble. « Je ne sais pas, je suis juste heureux de ne pas avoir eu de petits soucis qui auraient pu dégénérer ».

Dutreux, Le Cam et Seguin toujours dans le tempo

Cette nuit, ce sentiment d’avancer sans entrave ni difficulté était largement partagé par le reste de la flotte. Pas d’ennuis mécaniques majeurs à signaler : tous étaient focalisés sur leur progression dans un face à face brut et intense avec les conditions du moment. Aucune terre, quasiment pas de trafic maritime, cet immense terrain de jeu est à eux et ils en profitent. Thomas Ruyant (LinkedOut) est solidement accroché à sa 2e place, lui qui filait à 18 nœuds dans la nuit. Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) a repris la 3e position et empanner à nouveau vers le sud.

Dans le match des poursuivants, Benjamin Dutreux (Water Family) n’en finit plus d’impressionner, Jean Le Cam (Yes We Cam !) – après un check complet de son bateau hier – était légèrement le plus rapide et les soucis de Damien Seguin (Groupe Apicil) semblent définitivement derrière lui. On relevait du vent soutenu de sud-ouest de 25 nœuds pour Isabelle Joschke (MACSF), Giancarlo Pedote (Prysmian Group) et Maxime Sorel (V and B – Mayenne) n’était pas en reste non plus. Dans ce groupe de 11 skippers, seul Louis Burton (Bureau-Vallée 2), le plus au sud, avait des vitesses plus irrégulières (de 16 à 12 nœuds au fil de la nuit), la faute à une petite zone de vent qui mollit.

« Je ne vois pas ça comme une galère »

Derrière, ça filait à 15 nœuds pour le duo d’inséparables Romain Attanasio (PURE-Best Western Hotels & Resort) et Clarisse Crémer (Banque Populaire X). De son côté, Armel Tripon (L’Occitane en Provence) impressionne toujours avec sa trajectoire rectiligne au long de la ‘ZEA’ avec 18 nœuds de moyenne et des belles glisses en perspectives. Il a pris ainsi 440 milles d’avance – presque une journée – sur ses anciens compagnons d’infortune (Alan Roura, Stéphane Le Diraison et Arnaud Boissière). De ce trio, La Fabrique s’en sort le mieux alors que Time for Oceans et La Mie Câline – Artisans Artipôle bataillent toujours contre la dépression.

« Moi, je ne vois pas ça comme une galère, confie ‘Cali’. C’est un peu tonique, on a du vent fort à 40 nœuds et j’ai un peu levé le pied. On fonce un peu dans un circuit de kart plein de cailloux ». Cette nuit, il est sorti sur le pont pour prendre un 3e ris. « J’étais trempé complet ! C’est des moments extrêmes mais ça n’empêche pas de prendre du plaisir ! » Du plaisir, il y en a aussi derrière. Le dernier groupe, composé de huit skippers, bénéficie d’une belle allure pour filer vers le cap de Bonne-Espérance en étant à bâbord amure avec du vent de Nord-Ouest. 13 nœuds pour Fabrice Amedeo (Newrest – Art & Fenêtres), 15,6 nœuds pour Jérémie Beyou (Charal), 17 nœuds pour Clément Giraud (Compagnie du Lit / Jiliti). Même Sébastien Destremau (merci) est à la fête avec 16,4 nœuds.

Les secrets du WhatsApp des skippers

Alors, quand tout fonctionne et que le jour s’est déjà levé depuis une poignée d’heures sur la flotte, il y a aussi le temps de sourire, de souffler, de profiter. À bord de PURE-Best Western Hotels & Resort, Romain Attanasio est hilare. « Désolé, j’avais oublié votre appel, j’étais en train de discuter par WhatsApp avec Clarisse ». Les deux ont enfin un peu de répit après les pointes à 40 nœuds la veille. Alors, on donne des nouvelles et on multiplie les messages et les textos. Romain est d’ailleurs souvent en double appel en cette matinée. « On profite du fait que les communications soient moins chères cette année », s’amuse-t-il.

Tous les skippers échangent également dans un groupe WhatsApp où ils sont les seuls à avoir accès. Romain en livre quelques secrets : « c’est Boris (Hermann) qui en a été à l’initiative. C’est le plus actif et on lui en veut parfois parce qu’il parle trop (rire) ! Il y a Sam (Davies) qui envoie des photos de l’avancée des travaux, chacun qui raconte un peu ses journées… Dimanche dernier, Benjamin Dutreux a commenté le match de rugby (Angleterre-France). Les Anglais étaient à fond ! » Ainsi, au milieu d’un no man’s land iodé pas toujours tendre, une proximité se noue entre ces hommes et ces femmes qui vibrent, doutent, s’accrochent, pleurent, sourient, se soutiennent… Le Vendée Globe 2020 n’est pas qu’une promotion en plus, c’est une nouvelle famille aux liens indéfectibles.

Source

Agence Oconnection

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