Dans la torpeur de la nuit

© Agir Recouvrement

À cinq jours d’une arrivée prévue à Saint-Barthélemy, la hiérarchie est encore trouble sur la Transat AG2R LA MONDIALE, car si le duo Hardy-Ruyant mène encore la danse, certains cavaliers bousculent les certitudes. À l’image du duo Leboucher-Pratt pointé à la troisième place ce samedi matin… Mais avec des alizés qui prennent du coffre et qui obliquent vers l’Est, toute la flotte tend à remonter vers le 21° Nord.

Le ciel brille ! D’une multitude d’étoiles. Les nuages opaques ont fait place à de bizarres petits grains qui parfois lèvent une mer chaotique. La brise pousse, la mer se range, la lumière revient par son miroir céleste : la première partie de nuit est toujours aussi particulière avec ce noir d’encre qui enveloppe l’horizon. Calé sur l’heure universelle (TU), il est toujours étrange d’imaginer qu’à minuit, le soleil vient tout juste de se coucher… Décalage temporel, décalage spatial, au milieu de l’Atlantique, la saveur du quotidien n’a pas le même goût et les journées partagées entre soleil plombant et nuit chaleureuse s’égrènent sans marquer trop de différence. Ne pas tomber dans la torpeur…

Étoiles filantes

Et si les étoiles filantes parsèment la voûte de ses éclairages éphémères, il y a sur l’eau aussi quelques mobiles qui jouent les danseuses au classement. Au Sud, les « Méridionaux » sont revenus en tête de gondole par leur route en cuillère : après leur descente progressive depuis l’Afrique, les voilà qui pointent leur étrave sur l’orthodromie, cette ligne imaginaire qui relie directement les Canaries aux Antilles. Comme presque tout le monde, car les alizés qui sont montés d’un cran au milieu de l’océan, suivent aussi une grande courbe autour d’un anticyclone désormais bien installé entre Bermudes et Açores. Il y aura du vent jusqu’à l’arc antillais, mais comment en finir avec cette Transat AG2R LA MONDIALE qui n’a pas réussi réellement à départager le peloton depuis le départ de Concarneau ?

Toute la question est de savoir s’il vaut mieux se positionner à droite du plan d’eau comme Pierre Leboucher & Christopher Pratt (Guyot Environnement) ou Gildas Mahé & Nicolas Troussel (Breizh Cola), c’est-à-dire le plus au Sud possible, ou à gauche tel Adrien Hardy & Thomas Ruyant (Agir Recouvrement) ou Éric Péron & Miguel Danet (Le Macaron French Pastries) les plus au Nord, voire au centre du groupe à l’image de Sébastien Simon & Morgan Lagravière (Bretagne CMB Performance) ou Anthony Marchand & Alexis Loison (Groupe Royer-Secours Populaire) ?

Des algues à profusion

Car si toute la flotte (à l’exception des deux retardataires, Les Frigos Solidaires et Cornouaille-Solidarité Saint Barth), oblique vers l’Ouest à Nord-Ouest, c’est bien pour aller chercher un point d’empannage, un axe de rotation situé autour du 21° Nord et 52° Ouest. Ce pivot est en effet déterminant pour le sprint final car les Figaro Bénéteau préfèrent terminer bâbord amures dans un alizé de secteur Est à Sud-Est : meilleur angle pour faire porter le spinnaker et allonger la foulée, mais aussi détour vis-à-vis des sargasses, ces algues qui ont proliféré depuis l’estuaire de l’Amazone et qui remontent en plaques gigantesques le long des îles antillaises.

Il n’y a donc pas de répit à attendre ces jours prochains pour les quatorze premiers duos qui vont devoir concilier vitesse de progression, vigilance sur les appendices (quille et safrans), concentration stratégique pour surveiller les options, attention tactique pour contrer les attaques de leurs concurrents. Or avec ce soleil qui cogne de plus en plus fort dans la journée, les corps s’assèchent, les postérieurs s’usent, les doigts se flétrissent, les lèvres se crevassent, les membres se salent… Moiteur, torpeur, langueur sont des adversaires parfois plus percutants et persistants que les tandems qui vont de plus en plus apparaître à l’horizon !

Ils ont dit

Christopher Pratt (Guyot Environnement)

« Nous avons eu une nuit un petit peu bizarre : il y avait pas mal de vent, la mer était désordonnée mais ça avançait bien. C’est un peu tôt pour dire si notre position est bonne. Ça va être assez serré : on en saura plus dans trois jours et la hiérarchie ne sera pas loin d’être établie. Tout le monde va continuer sur ce bord, après on verra ce qui se passe dans quelques heures. Nous avons un point d’empannage situé dans le Nord qui est un peu le même pour tout le monde. Breizh Cola s’est un peu écarté de nous cette nuit où nous avons eu pas mal de vent, jusqu’à 30 nœuds. C’est un alizé un peu plus fort mais il n’est pas stable, il varie énormément en direction et en force. On a des journées qui sont un peu plus longues que d’autres et il commence à faire très chaud à la barre. Nos quarts sont très variables, cela dépend de ce qu’on a à faire sur le bateau, de la météo et de la pêche du jour car il y a des poissons-volants. Comme c’est Pierre qui est préposé à la cuisine, et bien moi je barre. Nous n’avons pas pris assez de citron mais nous avons de l’huile d’olive et on assaisonne nos poissons avec. Le midi, il fait très chaud, c’est dur, et les débuts de nuit sont compliqués car la lune se lève tard donc il fait très noir. »

Lois Berrehar (Concarneau Entreprendre)

« Il y a de la lune et du vent. Je suis en train de prendre les fichiers météo. Nous avons des Ministes dans les parages, c’est marrant. On ne sait trop comment ça va se passer au niveau météo mais c’est vrai que tout le monde remonte un peu vers le Nord-Ouest. Les écarts sont encore proches, rien n’est joué ! Il faut rester concentrés jusqu’au bout et en forme pour la fin. Il reste encore quatre à cinq journées de mer. Il y a une grosse dispersion latérale et c’est difficile de faire des pronostics pour le moment. Pour le moment, nous ne voyons pas trop de sargasses et on espère ne pas en voir trop. Ça va être important à gérer car c’est quelque chose qui va peser dans la balance. Il faut faire attention, il faut bien se protéger du soleil mais ça reste encore supportable à la barre. Nous n’avons pas changé d’horaire depuis le départ : on est toujours en temps universel (TU)… »

CLASSEMENT du 5 mai à 5H

  1.  AGIR Recouvrement (Adrien Hardy / Thomas Ruyant) à 1305,38 milles de l’arrivée
  2.  Bretagne – CMB Performance (Sébastien Simon / Morgan Lagravière) à 14,85 milles du premier
  3.  Guyot Environnement Breizh Cola (Pierre Leboucher / Christopher Pratt) à 33,58 milles
  4.  Breizh Cola (Gildas Mahé / Nicolas Troussel) à 34,13 milles
  5.  Groupe Royer – Secours Populaire (Anthony Marchand / Alexis Loison) à 36,01 milles

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