Bonheurs dérisoires mais nécessaires

© Jacques Vapillon

À peine leur pote Axel s’est-il amarré à quai, que ses cinq adversaires descendent à bord. Ils l’entourent, le prennent dans leur bras. Axel, leur copain indéfectible, celui qui a passé des heures sur les bateaux des uns et des autres à refaire de la stratification, à donner un coup de main, toujours disponible, a été trahi par son matériel. Bout-dehors hors d’usage, il a dû se résoudre à laisser filer le groupe des favoris et regarder le podium de la course s’éloigner.
La nuit prochaine, les deux premiers bateaux de série arriveront en Guadeloupe. La victoire finale se jouera sans doute à pas grand chose entre l’actuel leader Julien Pulvé (Novintiss) et le vainqueur de la première étape, Ian Lipinski (Entreprises Innovantes).

Ils se sont bagarrés jusqu’au bout. Pendant que Frédéric Denis (Nautipark) n’en finissait pas de refaire sa course, de répondre aux sollicitations des médias, aux interrogations des gamins de Guadeloupe qui, les yeux brillants, rencontraient une sorte de Martien, un gars qui avait traversé l’Atlantique sur une coque de noix de 6,50m à plus de dix nœuds de moyenne, derrière on s’écharpait sans retenue.
En tête de cortège, Michele Zambelli (Illumia) se rongeait les sangs pour retenir les assauts de Luke Berry (Association Rêves) arrivé à peine dix minutes derrière lui. Le navigateur britannique et malouin d’adoption devait lui aussi s’employer pour garder dans son tableau arrière un Ludovic Méchin (Microvitae) revenu du diable vauvert.

Ce joli fil des arrivées était malheureusement brisé par l’annonce des attentats qui ont endeuillé Paris ; bienvenu dans le monde réel. Partagés entre le besoin de retrouver les potes, de libérer la parole après douze jours d’abstinence et la tristesse évidente, les navigateurs solitaires ne savaient plus trop à quel saint se vouer. Jusqu’au bout de la nuit, ils ont choisi de rester, de continuer d’accueillir les suivants : Clément Bouyssou (Le Bon Agent ! Bougeons l’Immobilier) revenu d’un voyage en frustration tant il avait peur que la casse ne vienne briser son désir de griserie, de vitesse, d’oubli du raisonnable ; Axel Tréhin (Aleph Racing) qui tentait d’évacuer sa déception d’avoir laissé échapper le podium en se promettant d’être de nouveau sur la ligne de départ dans quatre ans ou plus. Il a fallu attendre le milieu de matinée en Guadeloupe pour voir poindre sur la ligne l’étrave de Jean-Baptiste Daramy (Chocolats Paries – Coriolis Composites) puis de Simon Koster (Eight Cube).

Le souffle du danger

Derrière ce groupe d’échappés, il faudra attendre le milieu de nuit de samedi à dimanche (début de matinée en métropole) pour connaître le vainqueur en bateau de série. Si pour l’étape, Julien Pulvé (Novintiss) tient la corde, le suspense concerne surtout le classement général. Avec presque 60 milles de retard sur son concurrent direct, Ian Lipinski (Entreprises Innovantes) voit son matelas de onze heures d’avance fondre singulièrement. Nul n’étant à l’abri d’un coup de mou du vent sur la ligne d’arrivée, ça doit bouillir dans le crâne du skipper lorientais. Ian le dit lui-même : son principal voire seul point faible est sa difficulté à gérer des sautes de moral. Emotif, oui, mais comme le disait un entraîneur qui le connaît sur le bout des écoutes, « même dans les situations difficiles et avec un moral dans le rouge, il reste un formidable combattant ». En même temps que Ian et Julien, Nicolas d’Estais (Librairie Cheminant) devrait compléter le classement des prototypes. Viendra ensuite Tanguy Le Turquais (Terréal) qui précédera la meute des bateaux de série qui va se disputer la quatrième place de l’étape. Les places d’honneur vont se payer cher…

La Mini Transat solidaire

Compte-tenu des valeurs qui animent la Mini Transat depuis sa création, il est évident que la Mini Transat îles de Guadeloupe se sent profondément solidaire des victimes des attentats de Paris. Ces valeurs de partage, de solidarité et de tolérance se doivent d’être défendues sans retenue.
Nous pensons que c’est aussi notre devoir de continuer d’informer du parcours de ces marins qui viennent de traverser l’Atlantique, de mettre en avant leurs performances sportives et humaines. Nous le ferons avec la retenue que les événements nous imposent, tout en veillant à mettre en avant les valeurs positives que cette aventure dégage. C’est le sens de notre engagement.

Classement 2e étape, le 14 novembre à 15h (TU+1)

Séries (Classement Ocean Bio-Actif)

  1. Julien Pulvé – 880 – Novintiss à 91,4 milles de l’arrivée
  2. Ian Lipinski – 866 – Entreprises Innovantes à 57,4 milles
  3. Tanguy Le Turquais – 835 – Terréal à 119,9 milles
  4. Edouard Golbery – 514 – Les Enfants du Canal à 165,9 milles
  5. Armand de Jacquelot – 755 – We Van à 170,6 milles

Prototypes (Classement Eurovia Cegelec)

1

  1. Frédéric Denis – 800 – Nautipark arrivé à 10h 12mn 30s le 13 novembre
  2. Michele Zambelli – 788 – Illumia arrivé à 23h 52mn 49s, le 13 novembre
  3. Luke Berry – 753 – Association Rêves arrivé à 00h 18mn 18s, le 14 novembre
  4.  Ludovic Méchin 667 – Microvitae arrivé à 00h 32mn 16s, le 14 novembre
  5. Clément Bouyssou – 802 – Le Bon Agent – Bougeons l’Immobilier arrivé à 05h 06mn 16s, le 14 novembre
  6. Axel Tréhin – 716 – Aleph Racing arrivé à 06h 34mn 31s, le 14 novembre
  7. Jean-Baptiste Daramy – 814 – (Chocolats Paries – Coriolis Composites) arrivé à 15h 48mn 07s, le 14 novembre

Source

Mini Transat / Cécile Gutierrez

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