Le cap Leeuwin dans deux jours

© Neutrogena

Un temps suspendue à la furie des éléments, la course aux avant-postes a repris ce matin entre Cheminées Poujoulat et Neutrogena. Les deux équipages ont tout mis en œuvre pour n’entendre que les souffles les moins rugissants de la dépression tropicale, descendue plus sud. Un sentiment d’étrangeté a envahi Bernard Stamm et Jean Le Cam, skippers aguerris s’il en est, à l’heure d’enclencher le frein à main. La délivrance est venue la nuit dernière, la voilure a repris ses aises et le duo est revenu au mode compétition, regagnant plus de 20 milles sur les 60 abandonnées à Guillermo Altadill et José Muñoz durant cette parenthèse volontaire. A l’autre extrémité, à l’entrée de l’océan Indien, Spirit of Hungary et One Planet One Ocean & Pharmaton vivent des conditions de navigation difficiles, au près dans une mer croisée.

Il faut croire que le tour du monde de Nandor Fa et Conrad Colman semble pavé de mauvai ses intentions. Rien ne leur est épargné depuis le départ de Barcelone, le 31 décembre dernier. Ils naviguent à l’envers du reste de la flotte, payant cher leur retard accumulé dès la Méditerranée. Dernier bateau à pénétrer dans l’océan Indien hier matin, ils doivent affronter de face un vent froid de plus de 20 nœuds, dans une mer désordonnée qui complique leur progression. Il y a plus de deux jours, l’équipage de GAES Centros Auditivos doublait le cap de Bonne-Espérance en petite polaire, se demandant où était passé le Sud…

Retardé par une dorsale, One Planet One Ocean & Pharmaton paie le même tribut aujourd’hui que Spirit of Hungary, désormais son concurrent le plus proche. Car l’un des deux équipages inséparables de l’Atlantique, Aleix Gelabert et Didac Costa, voit Bruno et Willy Garcia partir par devant, We are Water allant toujours bon train dans un vent de nord-ouest qui leur assure l’angle i déal pour filer vers l’est.

Bruits d’accélération

Au nord de l’archipel des Kerguelen, GAES Centros Auditivosa relancé la machine. Les doux bruits d’accélération ont fait taire la complainte de Mascareignes, du nom de l’anticyclone aux calmes insupportables pour tout compétiteur. Anna Corbella et Gerard Marin ont remis quelque distance avec l’équipage de Renault Captur, toujours dans leur sillage et tricotant le long de la zone d’exclusion antarctique. Le vent de portant forcissant par l’avant, cet écart devrait à nouveau se creuser.

Pour eux aussi, la course à conditions presque égales a repris ses droits. Ils vivent leur propre dualité à plus de 1000 milles de Cheminées Poujoulat et Neutrogena. Revenus au quotidien domestique du Sud, mer forte mais moins désordonnée, vents de 20-25 nœuds, les leaders progressent à nouveau sur une même trajectoire sud-est pour tendre vers le cap Leeuwin, deuxi me des trois grands caps de ce tour du monde. Ce devrait être vendredi vers midi pour le duo franco-suisse.

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 14 286,8 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 185,8 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 1057,8 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 1372,3 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 1999,4 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 2591 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 3005,5 milles

Ils ont dit :

Jean Le Cam (Cheminée Poujoulat) :

Tout va bien, on a paré le plus pressant et on ne va pas forcément vers du beau temps, mais des conditions plus stables. La mer va devenir plus agréable qu’elle ne l’était. C’est bizarre, à un moment tu te bats pour aller vite et puis tout d’un coup, tu te dis qu’il faut attendre, c’est une situation assez bizarre… On avait déjà vécu de telles conditions mais personnellement, devoir freiner pour laisser passer l’événement, ça ne m’était jamais arrivé en course. La décision s’imposait d’elle-même. Quand on a vu les vents de 61 nœuds fichier, on a dit : on n’y va pas. Puis, quand le vent commence à se calmer, tu renvoies un ris, après tu remets le J2 et puis petit à petit, tu reviens dans des conditions normales.

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :

La mer devient plus agr éable. Le ciel est nuageux avec des coins de ciel bleu. Nous sommes heureux de trouver de meilleures conditions. Nous avons eu 45 nœuds de vent, une mer croisée avec des creux importants. Nous avions déjà affronté de très mauvaises conditions dans le passé. Mais c’est la première fois que le timing était tellement mauvais que nous avons dû couper notre vitesse. Maintenant la dépression est passée, nous naviguons au sud et il n’y a plus de danger.

Guillermo Altadill (Neutrogena) :

Il fallait ralentir parce que le bateau était sur la route de la dépression. Finalement, nous avons eu au maximum jusqu’à 35 nœuds de vent et les vagues n’étaient pas si importantes. Mais nous étions assez prudents dans le sens où Cheminées Poujoulat, devant à 180 milles, aurait de pires conditions. Nous étions derrière, à attendre, et à pousser un peu pour combler l’écart. Dans ces cas là, vous devenez plus anxieux , parce que vous devez faire attention au bateau et vous protéger également. Cheminées Poujoulat revient en mode course et je ne crois pas que nous allons pouvoir gagner plus de milles pour l’instant. Nous allons être dans les mêmes conditions dans les deux ou trois prochains jours et nos vitesses sont proches.

Anna Corbella et Gerard Marin(GAES Centros Auditivos) par message :

Enfin ! Nous ne pouvons le croire mais GAES Centros Auditivoscraque, siffle, grince et nous sommes heureux car cela veut dire que nous allons vite. Il était temps que ce fichu anticyclone nous laisse partir ! Mais il ne faut peut être pas se plaindre de trop quand Cheminées Poujoulat et Neutrogena ont remporté la loterie. En ce moment, ils doivent subir des vents et des vagues de sérieuses dimensions, et nous préférons le billet des calmes que celui du cyclone dans les 40es Rugissants. Au moins, notre bateau se sent com me s’il sortait du chantier après quelques jours de soins intensifs. Et nous nous sentons comme lui : bien reposés, repus et même propres ! Oui, oui, dans l’un des moments de pétole sous le soleil tapant, nous avons pris une douche avec de l’eau de mer à 15°C, vous ne pouvez pas en demander plus par ici.

Didac Costa (One Planet One Ocean & Pharmaton) par message :

Depuis que nous sommes entrés dans l’océan Indien, nous avons navigué deux jours sous le soleil et dans du vent d’ouest, une nuit sans vent et puis, aujourd’hui, nous devons progresser au près. Le bateau tape dans chacune des vagues qui viennent sur nous et l’eau recouvre le pont. Ce n’est pas très confortable mais nous n’avons pas besoin de réduire la voilure. Nous ne pouvons plus surfer sur les vagues comme auparavant, ce sont les vagues qui surfent sur nous. De basses pressions descendent de l’Afrique vers le Sud et un nouvel a nticyclone se présente qu’il nous faudra contourner par le nord. La zone d’exclusion ne nous permet pas d’aller où les vents seraient le plus favorables. Mais il vaut mieux rester ici plutôt que d’avoir à éviter des icebergs.

Source

Barcelona World Race

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