De Porto au Pot…

© Jean-Marie Liot / DPPI

A la latitude de Porto, les Class40 naviguent encore dans des conditions difficiles (mer forte et croisée, rafales à plus de 30 nœuds), fatigantes pour les marins et leurs bateaux. Les Anglais de Concise 8 ont annoncé ce matin leur abandon pour cause de safran bâbord arraché, et trois escales techniques sont en cours (Fantastica, Solidaires en Peloton et Matouba). Devant, les IMOCA et les Multi 50 poursuivent leur descente vers les îles du Cap Vert tout en régatant à couteaux tirés. Les deux MOD70 sont entrés dans le Pot au Noir cet après-midi. Attention, ça ralenti !

Class40 : Vent fort, mer croisée et surfs endiablés

Les alizés portugais musclés donnent du fil à retordre aux 24 concurrents encore en course. 24, parce qu’après l’abandon de Marie-Galante hier matin, l’équipage anglais (Ned Collier Wakefield/Sam Goodchild) sur Concise 8 a annoncé ce matin son retrait de la Transat Jacques Vabre. En cause : le safran bâbord arraché. Trois escales techniques sont au programme au sein de la flotte : Fantastica (Stefano Raspadori/Pietro D’Ali) devrait faire escale aux Canaries pour des lattes cassées, Solidaires en Peloton (Victorien Erussard/Thibaut Vauchel-Camus) fait actuellement route vers Cascais au Portugal pour des avaries de voiles en série, même histoire à bord de Matouba (Bertrand Guillonneau/Sébastien Audigane) qui envisage de faire un stop rapide à Madère. Il faut dire que la nuit dernière et cette journée de mercredi ont fatigué les bateaux et les bonshommes. Rafales à 30 nœuds, grosse mer croisée, pas de quoi se reposer, ni de s’alimenter tranquillement. Certains ont « trinqué » plus que d’autres : départs au lof, affalages de spi en catastrophe, empannages risqués… Sur Obportus 3, Philippe Burger s’est même violemment cogné contre un winch. Résultat : côte cassée et entorse au doigt. En avant de la flotte, certains se sont fait flashés à plus de 20 nœuds emportés par des surfs endiablés. C’est le cas de Groupe Picoty (Jean-Christophe Caso/Aymeric Chappellier) qui dans une rafale à 38 nœuds de vent sous génois s’est offert une pointe 20,9 nœuds ! Pour l’heure, la tendance est à pointer l’étrave vers l’ouest pour naviguer dans des conditions plus supportables et préserver le matériel. En tête, GDF SUEZ (Sébastien Rogues/Fabien Delahaye) et Mare (Jorg Riechers/Pierre Brasseur) augmentent inexorablement leur avance : 120 milles ce soir avec le troisième du classement ERDF – Des pieds et des mains (Damien Seguin/Yoann Richomme).

Multi 50 : Navigation sous tension

Les deux bateaux de tête ont fait face à des conditions éprouvantes. Les grains orageux ont compliqué la donne. La plus grande vigilance était de mise dans les rafales. Et dans les molles, il fallait prendre son mal en patience… En voilà qui ne seront pas dépaysés dans le Pot au Noir ! FenêtréA Cardinal (Erwan Le Roux et Yann Eliès) reste sous la menace d’Actual (Yves Le Blevec/Kito de Pavant). Au pointage de 17h, 53 milles séparaient les deux équipages. C’est bien peu au regard de ce qui se profile devant leurs étraves : le Pot au Noir et un « atterrissage » sur les côtes brésiliennes qui ne s’annonce pas simple du tout. En attendant, FenêtréA Cardinal et Actual font tous deux route quasiment plein Sud. Troisièmes à plus de 500 milles, Gilles Lamiré et Andrea Mura (Rennes Métropole/Saint-Malo Agglomération), filent ce soir à près de 18 nœuds avec les Canaries en ligne de mire. Ils naviguent ce soir à la latitude des trois derniers monocoques IMOCA. Vers un Monde sans Sida continue à profiter des alizés portugais dans l’Est des Açores.

IMOCA : Tiercé gagnant ?

Ils voulaient de la bagarre, ils en ont ! Au large des Canaries, cinq duos se disputent âprement la première place, même si un trio de tête semble se dégager. Au pointage de 17h, Vincent Riou et Jean Le Cam à bord de PRB avaient repris le statut d’éclaireurs aux dépens de Bernard Stamm et Philippe Legros sur Cheminées Poujoulat. L’écart entre ces deux duos : à peine 6 milles. MACIF continue à combler son retard classement après classement. Ce soir, François Gabart et Michel Desjoyeaux sont troisièmes à 22 milles de PRB. En revanche, Safran (Guillemot-Bidégorry) et Maître CoQ (Beyou-Pratt) ont perdu du terrain ces dernières 24h. Leur trajectoire plus à l’Ouest à hauteur des Canaries n’a pas été favorable, bien au contraire. En début de journée, ces deux tandems ont franchement ralenti le rythme quand les trois de devant, plus à l’Est, poursuivaient leur marche en avant. Safran et Maître CoQ, qui naviguent au contact l’un de l’autre ce soir, ont repris de la vitesse mais sont légèrement décrochés à une cinquantaine de milles du podium. Mais rien de grave, les milles se gagnent aussi vite qu’ils se perdent. En arrière de la flotte, des équipages internationaux – Energa, Team Plastique et Initiatives-Cœur – se disputent les places d’honneur. Alessandro Di Benedetto, skipper de Team Plastique, s’en réjouit : « C’est toujours bon pour une course de réunir des marins de différentes nationalités. »

MOD70 : Dans le Pot au Noir

Le pot au noir… Cette zone de convergence intertropicale n’est pas particulièrement appréciée des marins. La navigation est chahutée : grains violent, pétole, orages. Les deux grands trimarans sont entrés dans le pot cet après-midi. De 24 nœuds ce matin, les compteurs sont passés à 13 nœuds, un ralentissement conséquent, qui devrait continuer jusqu’à l’équateur distant de 430 milles. Sébastien Josse et Charles Caudrelier (Edmond de Rothschild) maintiennent leur avance de plus de 70 milles sur Sidney Gavignet et Damian Foxall (Oman Air – Musandam), mais les choses pourraient bien changer. Car dans le Pot au Noir impossible de prévoir, il faut faire avec le vent local. Edmond de Rothschild plus à l’Ouest n’aura pas forcément les mêmes conditions météorologiques que le trimaran omanais. La Transat Jacques Vabre en sera d’autant plus passionnante.

Ils ont dit

Thomas Ruyant, skipper de Dunkerque – Planète enfant (Class40) :

Nous avons eu 24 heures plutôt ventées avec une mer assez formée et près de 35 nœuds de vents. Petits problème de pilote et de grand-voile ce matin, donc on se prépare à réparer. On a eu un passage du cap Finisterre un peu difficile c’est le moins que l’on puisse dire. Maintenant cela va très vite, il faut être dessus, beaucoup barrer, du coup ça fatigue un peu les bonshommes mais on sait qu’après cet épisode les conditions seront plus favorables pour le pilote automatique. Même pas eu le temps de regarder les positions donc je ne sais pas du tout où nous en sommes. 8èmes vous dites ? Donc il y a du monde derrière mais aussi du monde devant. Ça va être compliqué de rejoindre les deux bateaux de tête puisque la météo a tiré par devant mais on est à bloc avec Bruno, donc on va tout faire pour arriver jusqu’au Brésil et grappiller des places au passage ! Tout va bien car on a encore plein de pâté Henaff et de crêpes à bord ! Depuis hier soir, nous n’avons pas d’autres Class40 en visu contrairement au début de course, et puis comme la mer est grosse, ce n’est pas évident de voir un bateau au loin.
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Olivier Roussey, skipper de Obportus 3 (Class40) :

Ce matin, on sort d’une nuit très difficile avec une fuite de ballast, donc on vidange le bateau. On a eu peur, mais maintenant qu’on connaît l’origine de la fuite, nous voilà moins inquiets. Nous sommes peu toilés, deux ris dans la grand-voile et trinquette, la mer est forte, 28 nœuds de vent ! Le moral est bon malgré quelques petits bobos, rien de dramatique : doigt retourné, côte fêlée et tout ça sur le même bonhomme, pauvre Philippe ! En empannant cette nuit, il s’est écrasé sur le winch… Mais ça va, là il se repose. Nous faisons route plein sud, on pense encore avoir du vent comme ça encore une journée voir deux, on va continuer à la jouer prudemment.
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Kito de Pavant, co-skipper d’Actual (Multi 50) :

Malheureusement ça ne va pas très fort ce matin à bord d’Actual parce que ça glisse moins ! On s’est fait rattraper par de gros nuages noirs qui nous scotchent. Au moment où je vous parle on est à 5-6 nœuds sous un gros grain alors qu’entre les nuages on est plutôt à 20 nœuds ! Mais j’espère qu’on va vite retrouver des conditions plus sympas parce que là ce n’est pas agréable ! Il faut que nous restions très vigilants, car entre les grains, ça repart sec, et le bateau peu décoller d’un coup, il faut qu’on soit prêt à choquer rapidement. On a eu un peu de mal à trouver notre rythme sur cette transat avec pas mal de complications depuis le début. On pensait depuis hier pouvoir plus se reposer mais les grains nous occupent bien donc pas évident…. Nous avons pas mal investit dans l’ouest hier, donc a priori nous arriverons à notre point d’entrée au Pot-au-noir sur un seul bord. Peut-être un petit empannage pour se recaler, mais on a pris suffisamment de gras dans l’ouest pour ne le faire qu’en une fois. En fonction des nuages, on reste plus ou moins collé à FenêtreA Cardinal. Il nous reste sous la coque un peu d’espoir de revenir sur notre camarade, c’est tout le mal que l’on souhaite. Il y a encore le Pot-au-noir et l’arrivée au Brésil, donc ce n’est pas fini… loin de là !
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Vincent Riou, skipper de PRB (IMOCA) :

Le vent est très instable en force et en direction mais globalement les conditions sont agréables. Nous commençons même à « subir » le soleil. Le Cap-Vert n’est plus très loin, nous ne savons pas encore exactement par où nous allons passer. A nous d’être opportunistes. Il y a une sacrée lutte entre les cinq premiers bateaux, c’est bien pour ça que nous sommes venus sur la Transat Jacques Vabre ! Le départ a été un peu glauque, avec un golfe de Gascogne mouvementé. Mais ça y est, nous sommes au contact avec les autres sous le soleil et les alizés, on s’éclate ! Les modèles météo ont l’air assez d’accord pour aller sur un bord jusqu’au Pot-au-noir avec peut être un petit recalage. Il va sûrement y avoir des vents un peu faibles après le Cap Vert. Le jeu stratégique du positionnement pour aborder le Pot-au-noir va bientôt commencer. Tout se passe bien avec Jean (Le Cam), le rythme s’installe. Ah voilà, vous venez de réveiller Jean, et Jean au réveil…. c’est un monument ! On se croise un peu tous les deux : pour les manœuvres et les réglages déjà, mais aussi pour définir notre stratégie météo. Nous essayons aussi de ne pas manger chacun dans notre coin même si ce n’est pas non plus notre priorité. Niveau fatigue, ça va, nous arrivons à nous reposer et on s’est préparé pour tenir dans la durée !
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Alessandro Di Benedetto, skipper de Team Plastique (IMOCA) :

Ces derniers jours, on a réparé encore et encore… Hier nous n’avons pas pu vous répondre parce que je…. réparais ! Nous avons encore un souci de pilote automatique. Cet outil reste important même si nous sommes deux. Il y a toujours quelqu’un à la barre. C’est sûrement pour ça que nous avons tenu de belles moyennes sur un bateau vieux de 15 ans : un mal pour un bien ! La bagarre face à Energa et Initiatives-Cœur est internationale. J’en suis ravi : c’est toujours bon pour une course de réunir des marins de différentes nationalités. Le vent est assez instable en direction. Nous réfléchissons au meilleur moment pour empanner. Mais je me consacre surtout à la réparation du pilote car nous allons vite fatiguer à alterner sans cesse à la barre ! Ce problème nous empêche aussi de manger ensemble et nous n’avons pas beaucoup cuisiné depuis le départ du Havre. Un rayon de soleil arrive chez nous mais ce n’est pas encore le moment de sortir le maillot de bain.
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Positions du 12/11 à 17h00

Class40

1 – GDF SUEZ à 4401,14 milles de l’arrivée
2 – Mare à 28,65 milles du premier
3 – ERDF-des Pieds et des Mains à 119,30 milles du premier

Multi 50

1 – Fenêtréa Cardinal à 3424,37 milles de l’arrivée
2 – Actual à 52,82 milles du premier
3 – Rennes Métropole / Saint-Malo Agglomération à 513,39 milles du premier

IMOCA

1 -PRB à 3566,94 milles de l’arrivée
2 – Cheminées Poujoulat à 6,56 milles du premier
3 – MACIF à 21,98 milles du premier

MOD70

1 – Edmond de Rothschild à 2451,61 milles de l’arrivée
2 – Oman Air – Musandam à 78,30 milles du premier

Source

Soazig Guého

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