Chacun sa dépression

© Pierre Bouras

Hier soir, la flotte de la Transat Saint Barth / Port-la-Forêt s’est scindée en deux. Les trois leaders ont empanné pour aller chercher un front dépressionnaire en formation au large des côtes canadiennes, tandis que leurs trois poursuivants ont préféré prolonger leur route vers l’est de façon à glisser sous un autre centre dépressionnaire, plus petit. L’Irlandais Enda O’Coineen (Currency House Kilcullen) évolue toujours au près, dans un régime d’alizé faiblissant.

« Le ciel vient tout juste de se couvrir, la mer est devenue chaotique, le vent a pris 40° à droite… en une heure, l’ambiance a bien changé ! », expliquait Morgan Lagravière (Safran) à la mi-journée ce mercredi. Après trois jours de route nord, les solitaires ont trouvé ce qu’ils étaient venus chercher : du vent portant, du gris, du froid…

Changement de décor donc sur cette Transat Saint Barth / Port-la-Forêt, mais pas de classement. Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) ouvre toujours la marche devant Paul Meilhat (SMA) et Morgan Lagravière (Safran). Le deuxième groupe est mené par Thomas Ruyant (Le Souffle du Nord).

1 flotte, 2 choix de route, 3 situations

Ils avaient le choix entre deux routes. L’une nord, un peu plus longue mais sensiblement plus ventée avec un flux de 30 à 35 nœuds attendu pour demain, des grains et un front à négocier. Et une autre, plus directe et décalée des centres dépressionnaires, avec une brise inférieure à 20-22 nœuds attendue dans les jours à venir.

Le groupe des trois bateaux de tête a opté pour la première stratégie. Sébastien, Paul et Morgan ont empanné hier soir pour s’approcher d’un système dépressionnaire actif. Thomas Ruyant (Le Souffle du Nord), le plus nordiste (au propre comme au figuré) des sudistes, Fabrice Amedeo (Newrest – Matmut) et le Canadien Eric Holden (O Canada) ont opté pour des conditions plus maniables.

L’Irlandais Enda O’Coineen (Currency House Kilcullen) n’a pas encore la chance de glisser sous spi. Au près – travers, il profite encore de la douceur tropicale pour gagner dans l’est, proche de l’orthodromie.

Du simple au double ?

Si les nordistes décident d’exploiter au maximum les conditions attendues sur leur zone de navigation, les vitesses de leurs IMOCA60 pourraient atteindre une vingtaine de nœuds, notamment en fin de semaine, à l’approche des Açores. Sur la route sud, en revanche, les « speedomètres » risquent de ne pas dépasser les 10 nœuds. Les quelques 200 à 250 milles d’écart latéral (60 en distance au but) entre ces deux groupes semblent être appelés à évoluer…

L’important, c’est d’arriver

L’empannage, ou pas, d’hier soir, était donc sans doute un virage sportif décisif que chaque skipper aura négocié, ou pas, en son âme et conscience, chacun avec ses priorités et son bagage de solitaire. L’objectif pour tous étant d’arriver à Port-la-Forêt bel et bien qualifié, en ayant exploité pleinement ces 3400 milles en tête à tête avec leur IMOCA60 pour en découvrir toutes les subtilités, l’apprivoiser.

Morgan Lagravière (Safran) : « Je m’éclate ! C’est super intense… mais je me raisonne, je navigue prudemment et je double-check tout »

 

« Globalement, ça a été bien mouvementé depuis le début avec des conditions très différentes. Là, on vient de négocier une nouvelle transition météo. A la mi-journée, le ciel s’est couvert en l’espace d’une heure, la mer est devenue chaotique, le vent a pris 40° à droite. Je viens d’enfiler un coupe-vent que je n’avais pas encore sorti depuis le début de la course. C’est ce que nous étions venus chercher !

 

Je suis très content de ma course. Je fais ma route, je regarde très peu ce que font les autres, volontairement. Je joue avec les armes dont je dispose. Je fais une course conservatrice, car l’objectif est avant tout d’arriver au bout. Une petite erreur est vite arrivée sur ces bateaux-là et peut avoir des conséquences lourdes. Je me raisonne, je navigue prudemment et je double-check tout, systématiquement, avant chaque manœuvre. Par exemple, la nuit dernière, il y a avait 20-25 nœuds, j’étais sous spi, ça a commencé à forcir, j’ai préféré affaler…

 

Cette première expérience en solitaire en IMOCA60 est une bonne surprise. La course est loin d’être finie, mais je m’éclate ! Les journées passent super vite, le rythme est intense, c’est très intéressant.

 

Je n’appréhende pas la suite parce que les conditions resteront maniables (30 à 35 nœuds annoncés), on sait faire. Lorsqu’il y a du vent, on a des petites voiles plates, c’est plus simple à gérer que des grandes voiles creuses… Et puis, on va enfin faire une route qui nous rapproche du but ! »

Source

Isabelle DELAUNE

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