Les cinq enseignements de la Transat Jacques Vabre

© Vincent Curutchet

Après la belle victoire de PRB, les neuf IMOCA qui ont réussi à boucler la Transat Jacques Vabre 2015 sont à Itajai depuis quelques jours. L’heure est à l’analyse et au bilan de course, afin de savoir notamment quels enseignements on peut tirer de cette première course de la saison, et à moins d’un an du grand départ du Vendée Globe ? Nous en avons choisi cinq pour vous…

1/ Des « anciens » encore compétitifs

Une des grandes inconnues de la Transat Jacques Vabre était de savoir s’il y aurait un match équilibré entre les bateaux d’avant-dernière génération (Vendée Globe 2012), désormais très aboutis et optimisés, et les tout nouveaux foilers dont les performances au portant paraissent parfois terrifiantes. La Transat a apporté une réponse très claire à ce sujet : c’est oui, en tous cas, à l’échelle d’une transatlantique de cette longueur. Ne pas oublier cependant qu’il y a eu « beaucoup de près, où PRB était plus à l’aise » comme l’a expliqué Armel Le Cléac’h à l’arrivée. Souvenons nous des grands débats sur la monotypie et surtout sur l’élaboration des nouvelle règles de la jauge IMOCA. Leur quadrature du cercle était de conserver l’équité sportive entre les « anciens » et les modernes. Sur cette course, c’est indéniablement une réussite.

2/ Un podium qui fait sens

Il suffit d’observer le podium pour le constater : les seuls points communs réellement marquants des trois bateaux qui ont permis aux duos Vincent Riou/Sébastien Col, Armel Le Cléac’h/Erwan Tabarly et Yann Eliès/Charlie Dalin d’accéder aux honneurs, sont d’être tous trois des plans VPLP-Verdier et d’avoir pour skippers trois candidats à la victoire dans le Vendée Globe. On peut y ajouter pour l’anecdote que tous trois sont pensionnaires du Pôle France, mais c’est à peu près tout. Car voilà trois bateaux de générations différentes sur le podium ! C’est quasiment du jamais vu sur une course de cette envergure. Et cela fait sens de voir encadré sur ce podium le seul tout nouveau foiler – Banque Populaire – par Quéguiner et PRB, à savoir par le précurseur (ex-Safran) conçu pour le Vendée Globe 2008 et le bateau le plus abouti de cette philosophie à l’heure actuelle, à savoir PRB. Le voilier de Vincent Riou est clairement le bateau-référence de 2015 : il a gagné toutes les courses auxquelles il s’est présenté : la Rolex Fastnet Race, l’Artemis Challenge et donc la Transat Jacques Vabre. PRB parvient d’ailleurs à conserver le titre acquis par Vincent Riou et Jean Le Cam en 2013. Vincent était le meilleur cette année, c’est parfaitement clair.

3 / Les foilers encore en rodage…

C’était annoncé et ce n’est donc pas une surprise : les foilers sont encore en rodage. Mis à l’eau très peu de temps avant le départ de la Transat – au mieux quelques mois, au pire quelques semaines comme Saint Michel Virbac – quatre d’entre eux ont été contraints à l’abandon : l’Edmond de Rothschild de Sébastien Josse, le Safran de Morgan Lagravière, le Hugo Boss d’Alex Thomson et le Saint-Michel-Virbac de Jean-Pierre Dick. Un seul des cinq a donc réussi à terminer la Transat (Banque Populaire VIII)… mais pas à n’importe quelle place ! Deuxièmes, Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly ont même été quelques jours en position de l’emporter, avant de manquer de réussite dans le franchissement d’un Pot au noir très aléatoire et parfois même incroyable avec le trio de tête tirant des bords de près… Reste que « par moments, dans certaines conditions de portant, Banque Populaire tu ne peux que le regarder… il va plus vite et tu ne peux rien faire » a confié Vincent Riou à l’arrivée. Les autres ont un an pour se remettre de cette transat très dure pendant la première semaine, réparer, tester, fiabiliser. L’essentiel est là : pas de casse humaine et pas de bateau perdu, même si on a eu peur un moment pour Hugo Boss, après l’hélitreuillage d’Alex Thomson et Guillermo Altadill. Le bateau, heureusement, a pu être récupéré.

4/ … mais le concept des foils est validé

« Les foils, on les garde ! » a assuré Armel Le Cléac’h à Itajai. Car il faut se méfier des bilans en trompe-l’œil. Si un seul de ces cinq « moustachus » a terminé la course, on a constaté que dès que Banque Populaire pouvait ouvrir un peu les voiles et faire parler ses appendices porteurs, il n’y avait pas photo en ce qui concerne la performance. Vincent Riou et Yann Eliès en ont d’ailleurs aisément convenu. Ils ont même expliqué en substance que la question n’était pas de savoir s’il fallait des foils… mais quand ? « C’est l’avenir de la voile, on ne peut pas refuser le progrès, nous en aurons tous un jour » a notamment expliqué Vincent Riou, « maintenant c’est aussi une question de timing, de délai de mise au point ». Yann Eliès a dit sensiblement la même chose en y ajoutant la question du budget : « Le choix ne se résume pas seulement à foils ou pas foils, mais surtout à la capacité financière et humaine de chaque team d’arriver avec une machine prête pour le Vendée Globe. La réponse se situe dans l’équation : temps/argent/moyens. Si on n’a pas tout ça, autant améliorer son bateau comme a bien su le faire Vincent Riou.” Dont acte. Décryptage : le gain de performances engendré par les appendices porteur est indéniable dans les conditions les plus souvent rencontrées sur un tour du monde. Et si le Vendée Globe 2016 verra cohabiter les bateaux « moustachus » et les « archimédiens » avec encore – on l’espère en tous cas – du suspense à la clés, et bien ce sera peut-être la dernière fois. En tous cas, il devient plus que probable que tous ceux qui prétendront à la victoire en 2020 seront à bord de voiliers « moustachus ». Les dérives droites ont mis dix ans à être optimisées, les foilers n’en sont qu’à leurs débuts mais leur potentiel paraît si évident qu’une remise en cause totale est fort peu probable.

5/ La moitié a abandonné : oui, mais…

Vingt IMOCA au départ du Havre, mais neuf seulement à l’arrivée au Brésil. Au passage, il faut d’ailleurs saluer – au-delà du podium – les deux autres jolis matchs dans le match auxquels on a assisté : celui pour la quatrième place a tourné à l’avantage de Thomas Ruyant et Adrien Hardy (Le Souffle du Nord), longuement titillés par le Initiatives-Cœur de Tanguy de Lamotte et Samantha Davies. Celui pour la sixième place a été gagné par deux autres héros du Vendée Globe : Bertrand de Broc et Marc Guillemot, juste devant trois autres candidats à l’Everest des mers : Comme un seul homme (Eric Bellion et Sam Godchild), Newrest-Matmut (Fabrice Amédéo et Eric Péron) et Bureau Vallée (Louis Burton et Romain Attanasio). Restent donc 11 abandons à déplorer, soit 55% des partants.

Source

Agence Mer & Media.

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Texte

Bruno Ménard

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