Pourquoi Safran a-t-il des foils ?

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© Jean Marie Liot / DPPI

C’est LA grande innovation des IMOCA 60’ de dernière de génération. Premier monocoque doté de foils à être mis à l’eau, le Safran de Morgan Lagravière a ouvert la voie : les cinq autres plans VPLP-Verdier lancés depuis en sont aussi équipés. Mais à quoi servent ces appendices porteurs, spécialement conçus dans la perspective du Vendée Globe ? Explications.

« Pour aller vite, un bateau doit concilier légèreté et puissance. Ces deux notions, souvent antinomiques, peuvent être associées grâce aux foils. Les plans porteurs permettent en effet de créer de la puissance dynamique et alléger ainsi le bateau. Bien que sustenté, un IMOCA équipé de foils ne vole pas à proprement parler, et n’est pas plus puissant, mais il navigue de manière plus aérienne, avec moins de surface mouillée et donc moins de traînée. D’où un gain en vitesse significatif à certaines allures. », résume l’architecte Vincent Lauriot-Prévost.

Du fait de la limitation à cinq du nombre d’appendices sur les IMOCA (deux safrans, une quille, deux dérives / foils)1, tout l’enjeu a été d’imaginer une solution géométrique permettant de réaliser un seul appendice pour à la fois soutenir le bateau aux allures portantes et créer une force antidérive au près. Les recherches des architectes ont abouti à ces « moustaches à la Dali ».

Ces arguments en faveur des fameux appendices porteurs qui équipent Safran ont convaincu les autres teams ayant lancé la construction d’IMOCA 60′ de dernière génération : Banque Populaire, Edmond de Rothschild, Hugo Boss, Vento di Sardegna et St Michel-Virbac. Il est par ailleurs possible de voir début 20162 des skippers de bateaux d’ancienne génération se poser la question de remplacer leurs dérives droites par des foils.

« Toutes les équipes compétitives s’y intéressent mais elles observent, et attendent les premiers résultats avant de tout changer », confie Guillaume Verdier.

Des bateaux typés pour le Vendée Globe

« C’est aux allures portantes, et surtout au reaching (travers au vent), que le gain théorique est le plus important, explique Vincent Lauriot-Prévost. Les vents forts sont également favorables : plus le bateau va vite, plus la quille et les foils portent et plus il s’allège. » A l’issue d’une navigation de 24 heures à bord de Safran, Guillaume Verdier confirme : « Au portant, j’ai aussi été frappé par le comportement du bateau qui est plus sain. Grâce à l’effet des appendices porteurs, il tape moins et les efforts sur la structure sont amortis. » ajoute l’architecte.

Par contre, les foils qui n’offrent pas la même surface anti dérive qu’une dérive droite classique constituent un handicap au près, et surtout dans le petit temps, car ils génèrent alors une traînée plus importante. Mais le près ne représente que 10 à 15 % des conditions rencontrées à l’échelle d’un Vendée Globe. Ainsi les bateaux de la nouvelle génération sont particulièrement typés pour les mers du sud où les solitaires naviguent habituellement au portant, dans du vent fort et sur une mer formée.

« Le choix des foils constitue une prise de risques, mais une prise de risques raisonnée car nous avons fait énormément d’études et de routages sur le parcours du Vendée Globe », rassure Quentin Lucet, architecte du cabinet VPLP.

Sur le papier, les foils pourraient faire gagner deux jours sur le record de 78 jours établi par François Gabart en 2013. Reste à confirmer sur l’eau ces simulations prometteuses.

La Transat Jacques Vabre, un test grandeur nature

On le voit, les performances des nouveaux IMOCA 60′ sont soumises aux conditions météo. C’est pourquoi les architectes et les marins se gardent bien de tirer des conclusions hâtives. Les courses disputées jusqu’à présent (Record SNSM, Artemis Challenge, Fastnet Race) ont certes été à l’avantage des bateaux d’ancienne génération les plus optimisés (PRB, SMA, Quéguiner-Leucémie Espoir). Mais ces épreuves se sont déroulées sur des petits parcours et généralement dans 10-15 noeuds de vent, des conditions loin d’être représentatives d’un tour du monde…

« Nous sommes en pleine période de compréhension des foils, souligne Quentin Lucet. La jauge IMOCA interdit de régler dynamiquement l’incidence du foil. Il faut donc trouver le meilleur compromis pour accroître les performances au reaching et atténuer le déficit aux allures de près. Ce sont des calages et des réglages très fins qui permettront, nous l’espérons, d’augmenter l’efficacité des foils, et donc de rendre les bateaux plus polyvalents. Nous avons vu des phases vraiment prometteuses, et il faut continuer à naviguer pour affiner leur utilisation. »

Safran va en quelque sorte faire office de « laboratoire flottant » sur l’Atlantique et à l’issue de la Transat Jacques Vabre, on en saura beaucoup plus sur le comportement des foils et leur efficacité.

  1. Limitation imposée par la jauge IMOCA : http://www.imocaoceanmasters.com/pages/the-boat
  2. A la demande des teams ayant construit de nouveaux IMOCA, le cabinet VPLP et Guillaume Verdier ont signé un contrat d’exclusivité et se sont engagés à ne pas travailler sur les bateaux d’ancienne génération pour le développement de foils. En janvier 2016, les architectes seront libérés de cette clause et pourront collaborer avec les skippers d’IMOCA existants qui choisiront, ou pas, de remplacer leurs dérives droites par des foils.

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Mille & Une Vagues

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