5 400 milles à quatre mains entre Le Havre et Itajaí

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© Alexis Courcoux

Le 25 octobre prochain à 14h00, le coup de canon de la 12e édition de la plus engagée des courses en double, la Transat Jacques Vabre, sera donné devant Le Havre. Pas moins de 40 tandems sont attendus sur les quatre classes que compte l’épreuve (Class40, Multi50, Imoca et Ultime)… et pas des moindres ! En dehors de leur palmarès, comment ces hommes et ces femmes se sont-ils choisis ? Quels sont les critères qui forment un duo réussi et peut-être gagnant ? A l’heure où les équipages se forment et s’entraînent, tous se sont déjà dits oui… pour le meilleur.

Vingt-deux ans d’existence et tous les deux ans, un plateau de skippers enthousiasmant… La Transat Jacques Vabre demeure LA course qu’il ne faut pas manquer, celle où le parcours équivaut à un quart d’un tour du monde, celle où les bateaux sont poussées à 100% de leur potentiel car menés par des tandems de haute voltige, celle que tous souhaitent inscrire à leur palmarès. Les grands noms de la voile seront de la partie sur cette Transat Jacques Vabre 2015. Michel Desjoyeaux, François Gabart, Kito de Pavant, Marc Guillemot, Armel Le Cléac’h, Jean-Pierre Dick, Vincent Riou, Yann Eliès pour n’en citer que quelques-uns, viendront se frotter à la nouvelle génération de coureurs au large.

A deux, c’est mieux !

Que soit en Class40, en Multi 50, en Imoca, ou en Ultime, la gestion d’une transatlantique en double permet un engagement total de la part des deux marins. Les manœuvres se déroulent plus rapidement, la stratégie gagne en finesse et les hommes poussent les bateaux à l’extrême. « C’est ce qui fait la spécificité de cette transat que j’affectionne particulièrement. A deux, on met les bouchées doubles ! » souligne Kito De Pavant (Bastide – Otio) qui compte parmi les nombreux concurrents en Imoca. Sur cette course, le choix du co-skipper est essentiel. Au-delà du palmarès de chacun, la Transat Jacques Vabre est d’abord une aventure humaine. Sébastien Josse et Charles Caudrelier, les vainqueurs de la précédente édition en MOD70, réitèrent l’aventure, cette fois en Imoca, pariant sur la confiance qui les a portée au sommet : « Avec Charles, nous nous exprimons pleinement sur ce format de course ». Onze jours et cinq heures seulement avaient été nécessaires au MOD 70 Edmond de Rothschild pour s’imposer à Itajaí à plus de 22 nœuds de moyenne. On ne change pas une équipe qui gagne…

Liens familiaux, fraternels ou recherche de compétitivité ?

Sur le papier, la liste des équipages de l’édition 2015 est un savoureux mélange de duos parfois étonnants, parfois logiques, parfois improbables. Il y a les partisans du lien affectif, comme Bertrand de Broc et Marc Guillemot (Imoca – MACSF), cousins à la ville et désireux de repartir à l’aventure ensemble. Alan Roura (Class 40- Club 103) a fait la demande à son père Georges, avec lequel il a bourlingué autour du monde, « On est sûr de ne pas s’engueuler ! » confie le jeune Suisse. Nombre de skippers n’imaginent pas s’engager pour 20 jours de course sans bien connaître son double. Ce n’est pas le cas de Yann Eliès (Imoca – Groupe Queguiner – Leucémie Espoir) qui change son fusil d’épaule, en embarquant cette année Charlie Dalin, persuadé que c’est la bonne solution : « Pour former le duo idéal, je pensais qu’il fallait partir avec son meilleur copain. Je me suis trompé. Il ne faut pas qu’il y ait d’affect si on veut avancer et ne pas s’embarrasser sur des prises de décisions. » Lalou Roucayrol (Multi 50 – Arkema) est du même avis. Il a choisi celui qui a dessiné ses voiles : César Dohy.

Jeunes loups cherchent vieux briscards…

La nouvelle génération de coureur au large sait s’entourer. Paul Meilhat (Imoca – SMA) par exemple a logiquement fait appel à Michel Desjoyeaux pour arriver bien placé au Brésil et apprendre les secrets de la navigation en 60 pieds open. Nicolas Troussel (Bretagne – Crédit Mutuel) embarque sur son Class40 le jeune Corentin Horeau qui piaffe d’impatience de surfer vers de nouveaux horizons. Yann Eliès et Charlie Dalin formeront un couple complémentaire et intelligent : expérience du grand large et jeune talent. Que dire du tandem Tanguy de Lamotte et Samantha Davies ! Sur son Initiatives-Cœur, Tanguy fait parler le cœur et la raison en embarquant celle qui revient d’un tour du monde en équipage et a engrangé un nombre impressionnant de milles cette année.

Du Havre à Itajaí, il y a aura des histoires humaines à raconter…

Ils ont dit

Thomas Ruyant (Imoca – Le Souffle du Nord), co-skipper Adrien Hardy :

« Adrien est un copain, nous nous sommes rencontrés sur le circuit Mini. Pour moi, c’était un cador, le genre de navigateur capable de tout gérer tout seul. Nous avons été partenaires d’entraînement en 2007 et 2008, mais nous n’avons jamais navigué ensemble. C’est quelqu’un de vrai avec lequel on se dit les choses. Je sais qu’avec lui nous irons au bout, même s’il est novice en Imoca. Je suis comme lui, pas formaté et c’est ce qui me plaît. Nous avons la même vision des choses, mais nous ne sommes pas complémentaires. Je pense que c’est une force. »

Alan Roura (Class40 – Club 103), co-skipper Georges Roura :

« La Transat Jacques Vabre avec mon père était comme une évidence. Nous avons traversé ensemble l’océan Pacifique sans pilote, alors la bidouille on connaît ! Mon père m’a appris beaucoup mais ce n’est pas un coureur au large, ça sera sa cinquième transat, mais sa première en course. Le point fort de notre duo, c’est que nous sommes sûrs de bien nous entendre. Je voulais faire quelque chose avec lui, et ce projet de Transat Jacques Vabre est beau. Même si nous n’avons pas encore le budget nécessaire, nous serons sur la ligne de départ avec la volonté d’en découdre… ».

Sébastien Josse (Imoca – Edmond de Rothschild), co-skipper Charles Caudrelier :

« Nous formons un binôme très complémentaire avec Charles et nous avons un parcours similaires d’anciens Figaristes. L’important sur une transat en double c’est la confiance en l’autre. La meilleure recette d’un tandem, personne ne la connaît, mais il faut que cela fonctionne dans la durée. Car une Transat Jacques Vabre, c’est long ! C’est quasiment un quart d’un tour du monde… Et le rythme est élevé par rapport à un Vendée Globe. »

Lalou Roucayrol (Multi 50 – Arkema), co-skipper César Dohy :

« César est un choix logique. C’est lui qui a développé les voiles d’Arkema, il fait partie du team depuis le début du projet. César est méthodique, moi je suis plutôt un artiste. Nous avons beaucoup navigué ensemble et nous ne fonctionnons pas sur l’affectif. Je pense que c’est important pour aller loin et avancer. C’est essentiel de former un couple cohérent. Cela peut être le cas sur le papier, mais en mer les choses sont différentes. Il ne doit pas y avoir d’ego, l’harmonie et le respect de l’autre sont le secret d’une course réussie. En dehors de l’aspect compétition, naviguer en double est psychologiquement intéressant. »

Armel Le Cleac’h (Imoca – Banque Populaire VIII), co-skipper Erwan Tabarly :

« Je connais Erwan depuis longtemps. Nous sommes de la même génération. Nous avions fait une Solo Télégramme ensemble et étions tous deux « Bizuths » sur le circuit Figaro en 2000. Il a une grosse expérience de la course au large. Il est très fort physiquement et c’est un gars très sympa. Je souhaitais quelqu’un avec qui je n’ai jamais navigué. Erwan connaît bien l’équipe. Il peut m’apporter un nouveau regard sur ma manière de naviguer. »

François Gabart (Ultime – Macif), co-skipper Pascal Bidégorry :

« Nous cherchions un marin possédant une bonne expérience du multicoque, et surtout en mesure d’apporter de la valeur ajoutée. Le choix de Pascal est donc vite devenu une évidence. C’est un amoureux du multicoque qui a, par le passé, développé un maxi-trimaran. J’attends de lui qu’il nous apporte un regard neuf et extérieur sur notre projet. Il a aussi beaucoup navigué ces derniers mois, puisqu’il a terminé la Volvo Ocean Race avec Dongfeng Race Team ; il est dans une bonne dynamique. Enfin, c’est un marin qui a largement fait ses preuves tant en météo qu’en stratégie ou en navigation ; des domaines qui me tiennent également beaucoup à cœur. Le fait d’avoir suffisamment de compétences là-dessus va nous permettre de consacrer l’essentiel de notre temps au bateau. »

Marc Guillemot (Imoca – MACSF) co-skipper de Bertrand de Broc :

« Bertrand m’a fait la proposition de naviguer avec lui il y a plusieurs mois…d’autres skippers aussi. Cela fait toujours plaisir ! J’ai dit oui à Bertrand parce que je le connais bien, il est mon cousin germain et nous avons déjà navigué en double sur la Twostar et l’AG2R. Je trouve ça sympa de repartir ensemble, c’est une belle histoire. Nous savons que nous ne nous ferons pas partie du premier rideau car notre bateau n’est pas de la dernière génération, mais l’idée est de faire le maximum pour être fiers de nous à l’arrivée au Brésil. Bertrand est un bon marin, un gars solide, et nous avons tous les deux une grande expérience de l’Imoca. »

Tanguy de Lamotte (Initiatives-Cœur), co-skipper Samantha Davies :

« L’enthousiasme de Sam pour mon projet et le fait que l’on se connaisse bien a forcément motivé mon choix final. Nous nous sommes rencontrés en Angleterre il y a plusieurs années, lorsque nous travaillions sur des projets britanniques, puis nous nous sommes retrouvés sur le dernier Vendée Globe. Après son démâtage elle m’a fait promettre de lui envoyer une photo du Cap Horn, c’était mon premier et j’étais heureux de le lui dédier.
Ce ne sera pas ma première course en mixte. J’ai navigué avec Liz Wardley en 2009 sur la Transmanche puis sur la Fastnet, ainsi qu’avec Marie Tabarly pour le mondial Class40 en 2011. Ce sera en revanche ma première transatlantique avec une navigatrice. Sam est une grande sportive, j’apprécie sa façon de naviguer, elle a beaucoup à m’apporter. »

Morgan Lagravière (Imoca – Safran), co-skipper Nicolas Lunven :

« Nico, c’est quelqu’un que je connais depuis très longtemps. Nous avons participé ensemble à trois Tour de France à la Voile où nous étions les petits jeunes du groupe. Ensuite, nous avons travaillé ensemble et beaucoup échangé sur le circuit Figaro jusqu’en 2013. Dès le lancement du projet Safran, j’ai pensé à lui. Il est revenu plus tôt que prévu de La Volvo Ocean Race ce qui nous a permis très vite de collaborer. Nous sommes complémentaires, lui est très cartésien, moi je vis au feeling. Il est très fort en météo. Nous sommes deux bizuths en Imoca et je trouve ça super ! Aucun de nous n’est formaté, nous sommes de vrais outsiders et j’aime cette idée… »

Yann Eliès (Imoca – Groupe Queguiner – Leucémie Espoir), co-skipper Charlie Dalin :

« J’ai fait un constat sur la vision du double : je me suis trompé ! Je pensais qu’il fallait partir avec un copain, qu’il devait y avoir de l’affect. En fait non. On a vu des tandems aux profils différents, comme Armel (Le Cléac’h) et Fabien (Delahaye) ou Gildas (Morvan) et Charlie (Dalin), un vieux et un jeune, qui ont remarquablement fonctionné. La complémentarité est indispensable. Charlie est un jeune très talentueux qui est bon en électronique, routage, gestion de la communication, qui est architecte de formation. Il va beaucoup apporter sur ces points-là. La Transat Jacques Vabre est pour nous une opération commando, on vise la gagne ! »

Source

Soazig Guého

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