Routine en file indienne

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Avec l’entrée de We Are Water, ils sont maintenant cinq dans les eaux de l’océan Indien. Cinq qui tendent à s’aligner et naviguer en ligne de file non loin des limites de la zone d’exclusion des glaces. La faute à l’anticyclone des Mascareignes qui tend à bloquer toute circulation au nord du 44° sud. Autant dire que le couloir de navigation est étroit. Il n’y a donc pas de grands bouleversements stratégiques à attendre dans les prochaines heures, tant que la tête de flotte n’approchera pas des longitudes balisant l’ouest du continent australien. A cet instant, il y aura peut-être des choix à faire pour peu que des petites dépressions actives, les restes d’un cyclone tropical, décident de tenter une incursion dans le sud. Mais d’ici dimanche, chacun va seulement s’efforcer de naviguer au mieux, rapidement mais sans casse. Du fait de la position de l’anticyclone, les plus rapides sont logiquement Cheminées Poujoulat et Spirit o f Hungary.

Qu’il est doux de ne rien faire…

Hormis les manœuvres indispensables, changement de voiles ou empannages, la vie dans les mers du Sud prend vite un caractère routinier. On ne reste jamais très longtemps sur le pont, s’habiller ou se déshabiller est une opération longue et fastidieuse. Bien souvent, les manœuvres se résument à lâcher un peu d’écoute, reprendre un pouième de drisse, décaler d’un ou deux degrés le pilote pour trouver un meilleur angle de glisse. Pendant que l’un des deux veille sous la casquette, laissant le pilote faire le gros du travail, l’autre s’efforce de se reposer. Les fonctions vitales – dormir, manger – prennent une place parfois déraisonnable. C’est pourtant dans ces mers-là qu’il faut continuer de redoubler de vigilance, surveiller l’usure du matériel. Dans ces conditions hostiles, la procrastination pourrait vite être érigée comme un nouvel art de vivre. Mais les habitués des mers du Sud, le savent : c’est précisément le piège dans lequel il ne faut pas tomber. A chaque instant, il faut être prêt à sortir la trousse à outil, attaquer les remplacements de matériel ou la remise à niveau tant que les fêlures sont bénignes. A trop attendre, le Sud finit toujours par le faire payer.

Accordéon austral

Alors que les leaders vont doubler la longitude de l’archipel des Kerguelen dès la nuit prochaine, les écarts témoignent de l’étalement de la flotte depuis le contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène. A l’avant les deux équipages naviguent peu ou prou à la même vitesse, rapide mais sans excès. Seules les différences d’appréhension de la navigation expliquent les décalages. A bord de Neutrogena, on privilégie des options plutôt radicales, quand sur Cheminées Poujoulat, on s’efforce de lisser les trajectoires, de faire le moins de route possible. Pour l’heure l’avanta ge est au binôme franco-suisse, mais 250 milles d’avance est loin de constituer un matelas suffisant pour s’endormir sur ses deux dérives.

Derrière, c’est à chaque fois des écarts de 500 milles en moyenne qui séparent les concurrents les uns des autres. Difficile dans ces conditions de trouver le bon rythme, de se caler sur la progression des adversaires. Se battre pour gagner quelques dixièmes de milles sur un concurrent situé à près de 30 heures de mer, n’est jamais simple. Ce ne sont donc pas des conditions propices aux records instantanés, mais dans une course au large, l’essentiel n’est pas d’exploser les compteurs mais bien de terminer avant les concurrents. Naviguer à 90% du potentiel de son bateau est, dans ces eaux peu amicales, le signe d’une véritable intelligence.

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 15 736,5 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 272,9 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 889,8 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 1305,1 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 1889,3 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 2444,6 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 2955,7 milles

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :

Depuis le départ, c’est plutôt pas mal, le bateau se comporte bien, il passe bien. Maintenant on a eu des petits ennuis techniques qui ne nous simplifient pas la vie encore maintenant, mais rien de rédhibitoire. A part un passage un peu près de l’anticyclone des Açores, on a fait à peu près la trajectoire qu’on voulait. A deux, c’est beaucoup plus serein, on dort beaucoup mieux. On fait des vraies plages de sommeil. On dort fréquemment trois ou quatre heures. Très rarement, beaucoup plus. Même quand on ne peut pas dormir, on dort quand même plus qu’en solo. C’est bien mieux. Les manœuvres se font à deux, le matossage se fait à deux, c’est beaucoup plus simple. Avec Jean, il n’y a pas de problème. C’est toujours facile à dire avant, on n’est pas des sphinx, mais pour plein de raisons, ça ne pouvait pas mal fonctionner. Enfin, si ! il y a plein de raisons. Jean dis ait que le plus gros souci, c’était l’ego. Si on a un des deux qui a un gros ego, cela peut nuire à la bonne entente du bord ; mais là ce n’est pas le cas, on se considère comme des outils pour le bateau, donc ça se passe plutôt bien.

Anna Corbella (GAES Centros Auditivos) :

Je ne sais pas ce qu’en pense Gerard, mais pour moi, c’est une course différente d’il y a quatre ans. Je ne sais pas si c’est plus dur… dur, n’est pas le mot, c’est plus intense parce que depuis les premiers jours, on navigue au contact de la tête de flotte, qu’on a plus de pression, que l’on se doit d’aller le plus vite possible. La course est plus exigeante, mais pas plus dure. Concernant la zone d’exclusion, dans notre situation actuelle, c’est terrible car nous n’avons aucun choix possible. Avec les portes des glaces, on avait la possibilité de s’échapper un peu vers le sud. Là, tout ce qu’on fait c’est de s uivre cette limite des glaces et de naviguer le long de la zone d’exclusion. Pour d’autres bateaux ce sera différent. Je suppose que certains trouveront ça mieux ou moins bien. En fait cela dépend de chaque situation.

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Barcelona World Race

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