Les fourches caudines de Gibraltar

© Gilles Martin-Raget

Tous les marins le disent : Gibraltar est une sorte de péage obligé avant d’embouquer l’autoroute atlantique. Suivant les jours, le droit de passage est plus ou moins élevé : pour peu que le vent soit absent, le franchissement du détroit peut devenir une véritable punition. Les navires sortant doivent affronter un courant d’ouest en est pouvant atteindre près de trois nœuds, appelé courant de pente, essentiellement dû à la différence de niveau de la mer entre Atlantique et Méditerranée.

Pour la tête de flotte, le franchissement de Gibraltar devrait se faire dans de bonnes conditions. Le vent portant est au rendez-vous et seuls les effets de site, vent contre courant, peuvent lever une mer agressive au passage du détroit. En revanche, le reste de la flotte risque de souffrir : le vent est en train de mollir en mer d’Alboran et la progression des équipages, de Renault Captur jusque Spirit of Hungary va se trouver for tement ralentie. Au pointage de 14hTU, ce vendredi, ce sont maintenant plus de 170 milles qui séparent l’équipage de Nandor Fa et Conrad Colman du leader.

Tempo nerveux

Alex Thomson l’avouait ce matin : dans ces conditions météo de temps médium, les différences de vitesse entre les différents bateaux sont très faibles. Ce sont avant tout la qualité des réglages, l’inspiration dans le choix des bords et parfois le facteur chance qui provoquent la décision. Si les trois premiers se tiennent encore en moins de 20 milles, l’équipage de GAES Centros Auditivos a perdu un peu de terrain la nuit dernière. Mais ce débours n’est rien par rapport à la perte subie par Renault Captur qui pointe maintenant à près de cent milles de la tête de flotte. Sébastien Audigane et Jörg Riechers paient au prix fort leur incident de drisse de spi qui les a fait décrocher de la tête de flotte. Quoi qu’il en soit, il fallait être aux avan t-postes et ne pas relâcher la pression. C’est ce qu’on fait tous les équipages de tête, quitte à rogner sur le sommeil. On attendra l’Atlantique pour recharger les batteries…

La frustration du gruppetto

Basculer en tête à la sortie du détroit de Gibraltar : pour les marins de la Barcelona World Race, c’est comparable à la satisfaction du grimpeur qui a su faire la différence dans un col de montagne et qui va pouvoir l’ivresse d’une descente à tombeau ouvert. Pendant ce temps, le gruppetto, le petit peloton où se retrouvent ceux que la montagne rebute, tente tant bien que mal de limiter les dégâts. C’est ce que vont essayer de faire les quatre équipages attardés, Renault Captur, One Planet One Ocean & Pharmaton, We Are Water et Spirit of Hungary. Mais en un peu plus de deux jours de course, la Méditerranée a de nouveau créé des écarts conséquents. Les derniers routages donnent plus d’une j ournée de retard pour ce groupe sur les quatre échappés à l’entrée de l’Atlantique. A l’échelle d’un tour du monde, cela n’est rien, mais personne n’aime être dans la peau du lièvre qui doit rattraper la tortue, surtout quand le potentiel de vitesse de celle-ci n’a rien à envier au quadrupède à longues oreilles. L’équipage d’Hugo Boss est attendu aux alentours de 18h55 (TU +1) à la longitude de Tarifa qui marque la porte de sortie de la Méditerranée. Alex Thomson et Pepe Ribes devraient donc établir un nouveau record entre Barcelone et Gibraltar. Gageons qu’ils ne voudront pas en rester là ; l’appétit vient en mangeant.

Classement à 14h00 TU :

  1. Hugo Boss (A Thomson – P Ribes) à 22973,6 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 13,4 milles
  3. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 17,3 milles
  4. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 26,9 milles
  5. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 89 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 118,3 milles
  7. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 136,4 milles
  8. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 174,7 milles

Ils ont dit :

Alex Thomson (Hugo Boss) :

Tout va bien. On n’a pas pu dormir beaucoup depuis le départ, mais on a réussi à faire quelques siestes. On se sent en forme, mais pour être honnête, le fait de mener la flotte nous y aide. Un record entre Barcelone et Gibraltar ? Ce serait super, fantastique. Avec Pepe, on craignait devoir rejoindre le détroit en plus de trois jours comme c’est souvent le cas. Là, on risque effectivement de battre le record. On devrait pouvoir y être en deux jours et quelques heures. Jusque là on n’a pas encore vu trop de trafic, en revanche nous avons eu droit à des dauphins !

Jörg Riechers (Renault Captur) :

Ce matin, la pétole nous a pris en otage en mer d’Alboran. La tête de flotte s’est échappée mais c’est la vie en Méditerranée. On est content du bateau. Nous avons reculé au classement suite à notre problème de driss e de spi qu’on est en train de payer très cher. Il faudra éviter ce genre de souci à l’avenir. Mais la route est encore longue et on va bien trouver le moyen de corriger ce début de course. Tout va bien à bord…

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :

Normalement le vent devrait tenir. C’est inespéré par rapport aux prévisions du départ. Là, il fait beau, la mer est plate, on a huit à neuf nœuds de vent. On est en route bâbord amure vers la côte marocaine, on espère que le vent va tourner dans le bon sens pour nous…

Conrad Colman (Spirit of Hungary) :

C’est frustrant. On a été un peu conservateurs dans nos choix de voile la première nuit et du coup on doit s’arracher pour tenter de conserver la même vitesse et le même cap que nos concurrents. On est maintenant piégé par l’axe de la dorsale et c’est vraiment le tunnel des horreurs avec un vent qui bascule du nord-est au sud-ouest et vice-versa. A chaque changement de voile ou virement de bord on espère se dégager de cette nasse, mais c’est peine perdue. La course est longue et j’espère que l’on aura l’occasion de se refaire. On n’a plus qu’à croiser les doigts…

Source

Barcelona World Race

Liens

Informations diverses

Sous le vent

Au vent

Les vidéos associées : IMOCA