Guillermo Altadill : « C’est l’océan qui décide »

© Gilles Martin-Raget

Guillermo Altadill est sans conteste le navigateur qui possède le plus d’expérience autour du monde. Il a débuté aux premiers jours de la Whitbread sur Fortuna et Galicia, y est revenu par trois fois avant de se lancer The Race à bord du maxi multicoque Club Med. Depuis 30 ans qu’il navigue, il cumule un nombre de milles impressionnant sur tous les types de bateaux. Mais la Barcelona World Race, ce tour du monde en double qui part et revient de sa ville de domicile, se refuse à lui. Lors de la première édition où il courrait en double avec l’Américain Jonathan Mac Kee, le duo avait été contraint d’abandonner au Cap suite à des problèmes de safran. Il ne s’est pas aligné en 2010-2011. Cette fois-ci, il embarque à ses côtés le navigateur chilien José Munoz sur un bateau qu’il connaît bien. Neutrogena n’est autre que l’ancien Hugo Boss à bord duquel Guillermo s’était classé deuxième de la Transat Jacques Vabre 2011 avec Alex Thomson. C’est pourquoi il a persuadé Alex de lui vendre le bateau qui avait fini troisième du dernier Vendée Globe. Même s’ils sont des prétendants au podium, Guillermo Altadill ne ressent pas de pression particulière.

En comparaison avec toutes les courses que tu as faites, comment se passe votre préparation ? Les gens placent Neutrogena parmi les favoris, qu’en penses-tu ?

On a préparé le bateau comme il fallait. On dispose d’une bonne équipe technique et on a eu la possibilité de s’entraîner en commun avec deux autres bateaux, mais dans ce genre de course c’est difficile de citer tel ou tel comme favori. On a fait tout ce qu’il fallait pour faire du bon boulot. Mais ensuite, c’est l’océan qui décide.
Néanmoins, je pense que notre préparation est une des plus abouties de celles que j’ai vécues. On est dans le bon timing, on n’aura pas trop de temps à tourner en rond et à commencer à se regarder en chiens de faïence. On a cassé ce qu’il fallait et on a trouvé des solutions pour y pallier. Avec un bateau plus âgé, on aurait commencé à avoir des problèmes pendant deux mois et demi. Là, on a navigué ensemble l’équivalent de la moitié d’un tour du monde, soit 12 000 milles. C’est un bon compromis qui nous a permis de tester le bateau sans trop le fatiguer.

Vos forces et vos faiblesses ?

Notre force c’est d’avoir déjà une expérience commune de ce type de course en double. On connaît bien le bateau qui est vraiment facile et qui est parfaitement préparé. Beaucoup de skippers de talent sont passé sur ce bateau depuis cinq ou six ans… tous ont travaillé à l’améliorer.
Notre faiblesse, c’est que le bateau commence à être un peu dépassé. Mais je le connais par cœur. Je dois avoir l’équivalent d’un tour du monde complet à bord. J’ai aussi deux transatlantiques à bord aux côtés d’Alex. On a fait un gros travail sur les voiles. On a un jeu de voiles qui ressemble beaucoup à celui qu’Alex avait au départ du dernier Vendée Globe. On a gardé cette simplicité de fonctionnement du bateau, parce que nous ne sommes pas loin d’être à 100% de son potentiel. On pourrait peut-être gagner encore en performance mais ce serait au détriment de la fiabilité. Il n’y a vraiment pas beaucoup de changements par rapport au Vendée Globe d’Alex.

Quel sera votre mode de fonctionnement à bord : très organisé ou plutôt au feeling ?

Notre première base de réflexion est : comment chacun se sent ? Mais dans le même temps, il faut pousser le bateau à 100% de son potentiel, ce qui veut dire que nous devrons être deux à travailler ensemble la plupart du temps. Ensuite, José est meilleur que moi sur tous les aspects mécaniques tandis que je suis plutôt sensible à comment faire aller vite le bateau dans la bonne direction.

En terme de stratégie et de navigation, vous êtes prêts à affronter des marins d’expérience comme Alex Thomson, Jean Le Cam ou Bernard Stamm ?

Est-ce que je peux les battre ? Peuvent-ils me battre ? Ce que je sais, c’est que navigué sur la Volvo avec quelques uns des meilleurs navigateurs du monde. Pour être un bon navigateur, il faut avoir pu bénéficier de l’expérience de marins d’exception. J’ai eu la chance de fréquenter le gratin de la course au large et j’ai pu prendre une part de chaque marin que j’ai fréquenté. Alors même si Alex, Jean ou Bernard ont plus d’expérience que moi en solitaire, j’ai confiance dans mes capacités stratégiques. J’ai appris au contact des marins de la Volvo comment faire mes choix et comment les justifier.

C’est une course espagnole au départ de Barcelone. Vous avez l’expérience, le bateau, l’équipe technique… De surcroit, la course n’a jamais couronné un marin espagnol. Est-ce que ça ne met pas une pression particulière ?

Pas du tout. Je ne me classe pas parmi les favoris. Donc, je relativise la pression. La seule que j’ai, c’est de finir la course. Premier, deuxième, troisième, pour faire une telle place, il faut déjà terminer. Entre nous les navigateurs espagnols, il n’y a pas de concurrence. J’en ai plus avec Alex. Quand on a couru la New York – Barcelone, on s’est bagarré jusqu’à la fin.

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Barcelona World Race

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