Dans la chaleur de la nuit

IMOCA Team PLastic

© DR / Team Plastique

Quinze jours de mer déjà pour les 49 solitaires qui sont passés d’un coup de vent en Manche à une zone de transition météorologique instable pour enfin, glisser dans des alizés plus conséquents. Un changement de vent, de mer, de ciel, d’humidité ambiante et surtout de température… Sous les chaleurs tropicales, les manœuvres d’empannage et de voiles d’avant deviennent plus longues, plus laborieuses, plus sollicitantes. Et s’il ne reste qu’une bonne journée et demie de navigation pour les deux monocoques IMOCA et le premier Class40 attendus mardi soir, le dernier concurrent en a encore pour une bonne dizaine de jours… et de nuits !

L’automne a raccourci les jours, et en se rapprochant du tropique du Cancer, les nuits durent ainsi de plus en plus longtemps : comme la Lune n’apparaît plus que comme un maigre croissant juste avant le lever du jour, le rythme diurne-nocturne a progressivement changé. Le coucher du soleil est ainsi attendu avec impatience parce que la chaleur tropicale devient moins lourde et moins moite, mais aussi avec retenue car les ténèbres ne sont pas la meilleure phase pour enclencher les manœuvres, pour visualiser les voiles, pour anticiper un grain, pour négocier une vague traîtresse. Car tous les solitaires encore en mer (2 IMOCA, 1 Multi50, 32 Class40, 14 Rhum) sont définitivement sous le régime des alizés.

Un trio compact dans la nuit

Les alizés, ils sont bien là sur le devant de la scène : le train de dépressions qui balaye l’Atlantique Nord a consolidé l’anticyclone des Açores qui redescend sur le 30° Nord.
Sur sa bordure méridionale, les vents d’Est ont donc pris du coffre avec 20-25 nœuds de brise, avec deux à trois mètres d’une longue houle portante, avec un ciel moins chargé de cumulonimbus et une chaleur plus torride. Des conditions propices à un relâchement et à de plus longes phases de récupération, car le sprint final va demander beaucoup d’énergie et créer une forte tension psychologique. Chaque solitaire a construit son objectif en fonction de son classement, car si pour certains le résultat est presque déjà acquis, pour d’autres il y a encore du grain à moudre…

Alex Pella (Tales 2 Santander) large leader de la Class40 pourrait ainsi assurer tranquillement jusqu’à Pointe-à-Pitre distant de 350 milles. Il n’en est rien ! Le Catalan enfonce le clou vis-à-vis de ses deux plus proches concurrents (à plus de cent milles !), mais semble aussi vouloir contenir les assauts de Tanguy de Lamotte (Initiatives Cœur) tout en cherchant à griller la politesse à Alessandro di Benedetto (Team Plastique-AFM Téléthon)… Les deux monocoques IMOCA devraient en effet contourner la Tête à l’Anglais mardi dans la matinée : le trio pourrait donc se retrouver ensemble sous le vent de Basse-Terre ! Or la réactivité d’un Class40 est nettement supérieure à celle d’un 60 pieds quand il faut virer de bord, changer de voile ou glisser vers une petite veine de vent… La nuit de mardi s’annonce pleine de rebondissements.

Une armada dans la semaine

Derrière, deux Class40 jouent au chat et à la souris à coups d’empannages : Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton) et Kito de Pavant (Otio-Bastide Médical) ne sont séparés que d’une petite trentaine de milles, insuffisants pour entamer le tour de la Guadeloupe en toute sérénité ! Les deux compères sont quasiment assurés d’une place sur le podium, puisqu’ils cumulent près de cinquante milles d’avance sur Yannick Bestaven (LE CONSERVATEUR) qui a appris hier qu’il avait reçu une pénalité de 24h pour abordage la première nuit de course. Et près de cent milles sur le duo Stéphane Le Diraison (Ixblue-BRS) et Pierre Brasseur (Matouba)…

Par petits paquets, la flotte va progressivement remplir la marina de Pointe-à-Pitre durant toute la semaine avec deux nouveaux vainqueurs de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe dans leur classe respective : Alex Pella en Class40 et Anne Caseneuve (ANEO) en Classe Rhum puisque la navigatrice a moins de milles à parcourir (490 milles) que son avance sur son dauphin (640 milles), Wilfrid Clerton sur l’ex-Kriter VIII (Cap au Cap Location)… Avec les derniers Class40, les solitaires de la Classe Rhum vont ainsi en finir en vagues successives toute la semaine prochaine puisque Luc Coquelin (Guadeloupe Dynamique) est encore à 2 200 milles du but et Vincent Lantin (Vanetys-Le Slip Français) à 2 400 milles !

Ils ont dit

Tanguy de Lamotte-Initiatives Cœur (IMOCA)

Mardi je devrais être là ! Je pense passer la Tête à l’Anglais mardi vers 15h TU. Alex Pella est encore à 40 milles devant, mais le différentiel de vitesse devrait me permettre de passer devant tout de même. Je suis un peu plus Nord qu’Alessandro (Di Benedetto). Grosso modo j’ai 100 milles de retard, même si les bateaux sont différents, ça fait beaucoup à rattraper. Mon objectif est de mener à bien mon bateau. Il y a des filets de pêche, on nous a donné les endroits, certains peuvent dériver : c’est à prendre en compte et cela fait partie des obstacles de la course. Il va falloir être vigilant. La lune ne se lève qu’en deuxième ou troisième partie de nuit. Là c’est assez noir même s’il y a pas mal d’étoiles. C’est une nuit assez cool, je suis tribord amure et j’en profite pour me reposer un peu.

Kito de Pavant- Otio – Bastide Médical (Class40)

Là, il faut avouer qu’il nous en a collé une bonne, l’Espagnol. Il est parti, il a attrapé un autre système météo devant et il nous a collé 100 milles : plus de vent, meilleur angle, y a rien à dire, ni à faire… Il reste néanmoins un podium, qui est bien loin d’être garanti. Je maintiens à peu près l’écart entre mes compagnons d’infortune. Il devrait y avoir plus de vent les deux derniers jours, cela devrait être plus facile pour tenir la cadence. Il faut s’accrocher. La fatigue commence à se faire sentir après deux semaines de course, même si j’arrive à bien me reposer. Je commence à espérer vite arriver…

Wilfrid Clerton-Cap au Cap Location (Classe Rhum)

Ce matin sous un gros grain noir qui était en train de nous dévorer depuis 1h, nous avons accéléré jusqu’à 19,80 nœuds sous spi et grand-voile haute dans 30 nœuds de vent. Je peux vous dire que c’était chaud patate ! Une fois que nous avions gagné notre bataille, je suis allé me reposer. Nous avons fait un état du bateau, et l’on voit bien que le matériel souffre comme l’équipage. Il ne reste plus que quelques jours de course, donc nous allons en profiter. Nous allons nous battre jusqu’au bout, sans rien lâcher! Toujours à fond…

Source

Rivacom

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