Le tour du Rhum en cinq flottes

© Christophe Launay

Depuis l’ouverture du village vendredi dernier et le coup d’envoi de cette Route du Rhum-Destination Guadeloupe à terre, l’engouement du public qui se presse sur les quais de la cité corsaire n’en finit pas de rappeler que la plus célèbre des transats n’est pas une course comme les autres. Pour cette 10è édition, 91 solitaires engagés à bord de voiliers de tout types et de toutes tailles (de 40 à 12 mètres) ont répondu à l’appel du face-à-face avec l’Atlantique entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre : du jamais vu ! Preuve s’il en est que la formule « un homme, un bateau, un océan » fonctionne à plein régime. A quatre jours du grand départ, petit tour d’horizon avec le directeur de course, Gilles Chiorri, des cinq flottes réunies pour ce Rhum 2014 : un cru d’exception qui, fidèle à l’esprit d’origine, fait l’éloge de la diversité et de la liberté.

Ultime (8 trimarans) : le choc des géants

Pas de limite ! De retour depuis 2010, cette catégorie qui rassemble les multicoques les plus rapides et les plus puissants capables de tenir des vitesses moyennes hallucinantes de plus de 30 nœuds, est celle de la démesure. Tous les superlatifs sont permis dans le camp de ces dragsters des mers menés par des marins réputés pour leurs qualités de navigateurs hors pair. Des pilotes de haute voltige qui n’ont pourtant aucun droit à l’erreur sur la route de la Guadeloupe.

Gilles Chiorri :

Cette flotte se compose de 8 bateaux très différents menés par de très bons marins qui ont plus ou moins d’expérience en solitaire sur ce genre d’engins. Si la météo ne s’annonce pas tempétueuse, le risque de chavirage reste permanent, notamment le long des côtes du Portugal. Il faudra les surveiller comme le lait sur le feu. Pour la direction de course, l’autre paramètre de cette classe est qu’elle nous oblige à très vite rejoindre la Guadeloupe pour mettre en place le dispositif des arrivées tout en assurant la continuité de rigueur pour les autres catégories.

IMOCA (9 monocoques) : la guerre des chefs

Si la légende du Rhum est née dans le sillage des multicoques, les monocoques IMOCA ne sont pas en reste pour assurer le spectacle sur l’Atlantique. Depuis 1994 et leur première participation officielle avec un classement spécifique, ces coursiers océaniques, conçus et taillés pour le tour du monde en solitaire, forment une série majeure qui réunit les plus fines lames de la course au large, réputées pour parcourir les océans comme si elles régataient en baie. A défaut de quantité, la qualité et le niveau de compétition sont bien au rendez-vous. Intensité de tous les instants garantie.

G.C. :

Sur le papier, les bateaux de cette série sont peut-être les plus fiables. Pour autant, on l’a vu sur les dernières courses, aucun n’est à l’abri d’une avarie technique. Le niveau des marins est au rendez-vous. Assurément, le jeu sera passionnant en termes de régate pure.

Multi50 (11 multicoques) : des 50 pieds à 100%

Un catamaran et dix trimarans composent cette flotte hétéroclite rassemblant des professionnels et des amateurs. Très périlleux, ces voiliers, tout comme leurs grands frères de la classe Ultime, accélèrent et lèvent la patte à la moindre risée. Qu’ils comptent au rang des bolides haute technologie ou des multicoques historiques, ces Multi50 sont aujourd’hui indissociables de la transat dont ils ont toujours garanti le potentiel spectaculaire depuis 1990.

G.C. :

C’est selon moi une classe avec un vrai risque de surenchère. Comme tous les multicoques, ces bateaux sont très volages et les plus optimisés sont menés par des skippers qui vont, face aux enjeux de la compétition et si les conditions météo le permettent, volontiers pousser les feux de leur machine.

Class40 (43 monocoques) : la grande armada

Avec 25 inscrits lors de sa première participation en 2006, la Class40 compte depuis la dernière édition parmi les catégories phares de la course. Cette année, avec 43 bateaux nés des planches à dessins de 14 architectes différents et menés par des marins venus de tous horizons, cette série n’a plus à faire la preuve de son succès. Pour beaucoup d’observateurs, c’est dans les rangs serrés de cette armada de monocoques de 12,18 mètres que la régate battra son plein à l’échelle océanique, augurant de nombreux rebondissements dans les classements. La classe qui monte !

G.C. :

En Class40, c’est le gros melting pot. Pour autant cette catégorie, aussi jeune soit elle, aligne des bateaux marins et fiables, preuve qu’elle est arrivée aujourd’hui à un vrai niveau de maturité. La flotte se divise en trois groupes avec un tiers de professionnels, un tiers de pro-amateurs, et un dernier tiers de navigateurs en partance pour une transat initiatique que nous aurons plaisir à suivre, à la direction de course, dans leur apprentissage du large.

Rhum (6 multicoques – 14 monocoques) : un cocktail étonnant

Recrée en 2010 pour maintenir l’esprit originel de la course et permettre à des professionnels ou des amateurs très éclairés de s’aligner à la barre de voiliers de croisière rapides ou d’anciens prototypes du siècle dernier, cette catégorie très hétéroclite est celle de la diversité. Un mélange des genres aux multiples saveurs qui remet les premières éditions de la grande transat au goût du jour. A suivre sans modération !

G.C.

J’ai une affection particulière pour cette catégorie à part qui apporte du relief à la course. C’est une classe sympa, elle accueille des skippers passionnés qui bichonnent leur bateau comme on s’occupe d’une vieille voiture. Tous les enjeux des Rhum résident dans le couple que forme le skipper avec sa monture.

Le chiffre du jour : 300

C’est le nombre de jeunes privilégiés de la maternelle au lycée (de 3 à 20 ans), venus à la rencontre des skippers aujourd’hui, de 14h00 à 17h00. Vingt des 91 marins en partance pour la Guadeloupe, se sont prêtés au jeu en se livrant aux questions des jeunes le temps d’un entretien de 30 minutes.

Echos de pontons

Lionel Lemonchois (Ultime – Prince de Bretagne) :

Cette classe m’inspire la grande époque des années 1980, les débuts du multicoque océanique. On revient aux origines où chacun se cherchait, on faisait des bateaux plus grands, plus petits, des catas, des tris. On ne savait pas exactement quel était le bateau le plus rapide. Chacun inventait des bateaux dans son coin. On se retrouve un peu dans cette configuration. Même si maintenant, on sait que ce sont les tris qui vont le plus vite au large. La taille des bateaux, elle, se cherche encore un peu…

Armel Tripon (IMOCA – For Humbles Heroes) :

Les IMOCA sont des bateaux extraordinaires, puissants, c’est jouissif de les faire avancer. Cela demande en revanche beaucoup d’anticipation et de décomposition des manœuvres. Nous ne sommes que 9 sur cette Route de la Rhum-Destination Guadeloupe, c’est normal à deux ans du Vendée Globe, car cinq nouveaux bateaux sont en construction. Il va de toute façon y avoir une belle bagarre.

Gilles Lamiré (Multi50 – Rennes Métropole-Saint Malo Agglomération) :

La flotte en Multi50 est hétéroclite comme d’habitude et c’est ce qui fait son charme. Il y a deux courses dans la course : les bateaux récents et les anciens. Dans l’ensemble, ce sont des multicoques très spectaculaires qui peuvent se montrer périlleux dans la brise. Entre Arkéma (Lalou Roucayrol, ndlr) et le mien, il y a une grosse différence de concept et donc de performances selon les allures. C’est ce qui est intéressant dans la classe Multi50.

Halvard Mabire (Class40 – Campagne 2 France) :

Sur cette édition du Rhum, la Class40, c’est le nombre, la qualité et l’homogénéité ! Ces bateaux sont devenus incontournables dans le monde de la course au large. Economiquement, le budget est dix fois moins élevé qu’un IMOCA. Le fer de lance de la classe demeure la maîtrise des coûts. Les Class40 sont des mini IMOCA, sans les inconvénients… Le cadre de la jauge n’empêche pas d’avoir des bateaux différents.

Marc Lepesqueux (Class40 – Sensations Class40) :

Notre classe est une belle alternative à celle des IMOCA. Il y a aussi une dimension humaine où les profils des navigateurs sont très différents. Ils viennent de la Mini-Transat ou du circuit Figaro. J’aime bien les lignes de départ parce que tout le monde se dispute à couteaux tirés, mais dans une bonne ambiance. Je retrouve l’esprit du Figaro où il ne faut jamais rien lâcher parce que le petit camarade de derrière est sans cesse aux aguets.

Ricardo Diniz (Rhum – Pariasia.fr), premier portugais de l’Histoire de la course :

Cette classe Rhum, c’est vraiment l’origine de la course, probablement celle où les bateaux et les hommes ont mille choses à raconter. Mon bateau, je l’ai racheté alors qu’il était à l’abandon. Je ne cours pas pour la gloire ni le résultat, mais pour mon pays. Je ne pense pas être le seul, et c’est ce qui fait l’intérêt de cette classe hétéroclite mais tellement généreuse et intéressante !

Patrick Morvan (Rhum – ORTIS) :

J’avais déjà participé à la Route du Rhum 1990 sur Dix de Lyon (ex-Kriter VIII) : c’est un peu l’inverse cette fois sur un trimaran (jaune) de 40 pieds, similaire à celui de Mike Birch quand il avait gagné en 1978… La Classe Rhum est assez mélangée avec 14 monos et 6 multis : il y a le 50 pieds d’Anne Caseneuve (c’est le plus puissant de nous tous), les deux ex-Kriter, des ex-60 pieds IMOCA, des cinquante pieds des années 90, de petits trimarans… Alors une arrivée avec trois bateaux ensemble, ce serait sympa !

Benjamin Hardouin (Rhum – KRIT’R V) :

Un des objectifs, c’est de faire mieux que Michel Malinovsky sur le même Kriter V en 1978 : descendre en dessous de 22 jours ! Et aussi inverser les 98 secondes vis à vis de Charlie Capelle et Jean-Paul Froc… Mais cela sera plus dur face à Patrick Morvan qui a un trimaran très rapide. Et je n’oublie pas le monocoque de Bob (Escoffier), mon ancien patron avec qui j’ai beaucoup navigué. Mais à ce jour, personne ne sait vraiment quelles sont les performances de ces bateaux très divers !

Source

Rivacom

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Informations diverses

Mis à l'eau le: 30 octobre 2014

Matossé sous: Course au Large, Route du Rhum

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