Sous contrôle, sous pression

© Vincent Curutchet / Dark Frame / Macif

Ça se précise. Si les routages peinent encore à dire l’heure exacte d’arrivée du vainqueur du Vendée Globe, il apparaît clairement que, sauf retournement de situation, la messe sera dite au cours du week-end. On évoque même une arrivée possible dans la soirée du samedi 26.
Sérénité sous tension. François Gabart sait qu’il tient le bon bout et pourtant… le skipper de MACIF ne veut pas se réjouir trop vite. Il reste encore près d’une semaine de course et nul ne peut se targuer d’être à l’abri d’un souci technique ou d’un retournement de situation météo. Il ne faut jamais vendre la peau du chacal avant de l’avoir dépecé. D’autant qu’Armel le Cléac’h n’a jamais eu la réputation de se laisser vaincre sans combattre. Mais la situation devient de moins en moins confortable pour Banque Populaire au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’arrivée. Le déficit de milles actuel représente un différentiel de vitesse de 7,5% à combler d’ici les Sables d’Olonne, soit plus d’un nœud de vitesse moyenne. La situation est d’autant plus compliquée pour Armel que la seule route acceptable consiste aujourd’hui à contourner l’anticyclone des Açores par l’ouest. Tenter de couper dans l’est de l’anticyclone, c’est s’imposer une longue remontée au près le long des côtes du Portugal et prendre le risque, si les hautes pressions se décalent vers l’est, de se trouver englué dans des calmes. Le jeu n’en vaut clairement pas la chandelle.

C’est le même cas de figure qui se présente vingt-quatre heures plus tard pour le duo Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) – Alex Thomson (Hugo Boss). Malgré son avance de plus de 1500 milles sur ses poursuivants, il n’est pas certain qu’Alex se lance lui-même dans cette aventure. Plus raisonnablement, le jeu consistera pour Armel comme pour Alex à observer la progression de leur concurrent dans la dorsale et à infléchir leur route, soit vers l’ouest en cas de coup de frein des prédécesseurs, soit vers l’est dans le cas contraire…

Duels à distance

Derrière, c’est toujours aussi pénible. Les solitaires en route vers l’équateur commencent à en avoir franchement marre de cette navigation dans des vents contraires. La mer hachée rend la progression des bateaux ardue, le moral en prend un coup et certains peuvent avoir parfois l’impression désagréable de naviguer sur un fer à repasser plutôt que sur un prototype taillé pour la performance. Entre Jean Le Cam (SynerCiel) et Mike Golding (Gamesa) c’est toujours le jeu du « à toi, à moi » pour la cinquième place. Malgré plus de 150 milles d’écart, les deux frères ennemis s’échangent la cinquième place parfois pour moins de dix milles. Dominique Wavre (Mirabaud) en septième position tire finalement bien parti de sa route médiane. Devant la complexité de la situation météo, le navigateur suisse avait choisi de couper au plus court en restant proche de la route directe. Bien lui en a pris, puisqu’aujourd’hui il devance Javier Sanso (ACCIONA 100% EcoPowered) d’une vingtaine de milles et Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) de presque deux cents nautiques.

Recyclage

Derrière, c’est toujours la belle vie pour le trio de queue. Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets), Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) et Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) continuent de profiter des vents portants pour filer à bonne allure le long des côtes de l’Uruguay. Alessandro a pu monter dans son mât pour passer des drisses en extérieur, de manière à hisser ses voiles d’avant. Malheureusement pour lui, son grand gennaker est définitivement hors d’usage. Farouchement sensible à la protection de l’environnement, il a décidé de garder la voile à bord malgré son poids. Sans compter qu’un gennaker, même détruit, peut encore rendre quelques menus services. Sous spinnaker, le navigateur continue d’avaler les milles avec constance. A ce rythme là, Alessandro pourrait rallier les Sables d’Olonne en un peu plus d’une centaine de jours. Soit bien en deçà des 140 jours de nourriture prévus à l’origine. Il pourrait y avoir des soldes sur les salades à l’arrivée de Team Plastique.

Classement au 20/01 – 16h00

  1. François Gabart
    [ MACIF ]
    à 1964,6 milles de l’arrivée
  2. Armel Le Cléac’h
    [Banque Populaire]
    à 144,7 milles du leader
  3. Jean Pierre Dick
    [ Virbac-Paprec 3 ]
    à 524,4 milles du leader
  4. Alex Thomson
    [ Hugo Boss ]
    à 776,2 milles du leader
  5. Jean Le Cam
    [ SynerCiel ]
    à 2333,1 milles du leader

Ils ont dit

Alessandro Di Benedetto (FRA/ITA, Team Plastique)

Pour le moment mes réparations tiennent. Comme je les ai faites en navigation, j’ai dû passer des drisses en externe, ce qui n’est pas l’idéal mais je suis avec le grand spi donc ça fait du bien au moral. Le gennaker de tête est détruit, complètement déchiré mais il est dans la soute à voile. Je l’ai récupéré à bord pour ne pas polluer et pour peut-être récupérer des pièces qui pourraient me servir. Je suis moi-même un peu surpris de ma performance. Je ne suis pas un professionnel de la course, je n’avais pas navigué en 60’ avant ma qualification donc c’est vraiment quelque chose d’extraordinaire pour moi et pour Team Plastique. Je n’ai pas un parcours de coureur mais je suis vraiment content d’être là, d’avoir passé le cap Horn. Je suis passé presque à 1 mille du rocher, je l’ai vraiment effleuré.

Mike Golding (GBR, Gamesa)

J’essaie juste de sortir de là, tout comme Jean ! (rires) En fait, nous avons vraiment passé des journées terribles et il nous a fallu énormément de temps pour pouvoir commencer à remonter. Et ce n’est pas terminé, nous allons encore devoir beaucoup manœuvrer. Je pense que nous allons enfin pouvoir avancer et adopter une trajectoire plus directe, mais pas avant demain soir. Je suis d’accord avec Jean quand il dit qu’il n’avait jamais vu l’Atlantique Sud aussi déchaîné. C’est vrai que les conditions étaient terribles. Habituellement, on trouve un cap qu’on arrive à tenir un long moment. Ensuite, en une ou deux manœuvres, vous vous retrouvez à Recife et voilà ! Les conditions actuelles sont exceptionnelles. Je pense que ma position actuelle est intéressante, surtout sur le long terme, mais Jean fait ce qu’il faut pour limiter la casse de son côté. Au final, j’espère pouvoir m’en sortir correctement mais il va falloir travailler dur, surtout avec Jean, qui est très rusé et qui va tout faire pour tirer le meilleur avantage de ses conditions à lui. Les hydrogénérateurs ne fonctionnent plus depuis les mers du sud. Bien sûr nous avons une réserve de carburant à bord, et nous avions aussi choisi de diversifier nos sources d’énergie: hydrogénérateurs, solaire et carburant. Mais c’est difficile de déterminer la quantité de carburant dont nous allons avoir besoin pour la suite. Et comme nous n’en avons plus tant que ça en réserve, c’est assez stressant…

François Gabart (FRA, MACIF)

Je me presse de rentrer malgré le froid qu’il fait chez vous, car il y a quand même des choses pas mal sur la terre ferme. Je pense que je vais apprécier de retrouver une vie un peu plus normale. Il va falloir continuer à rester concentré jusqu’au bout, mais j’y suis préparé donc ça va bien se passer. Surtout que c’est en se rapprochant des côtes qu’on risque de percuter un OFNI, il faut faire attention. Je suis assez fataliste à ce sujet. On s’est presque vus avec Armel, on s’est « sentis » mais je ne crois pas qu’on se soit parlé depuis le cap Horn. Mais on devrait bientôt vite se revoir ! Le week-end prochain ce serait sympa, il y aurait du monde pour nous voir (rires) J’essaye de faire au plus vite en tout cas !

Javier Sanso (ESP, ACCIONA 100% EcoPowered)

Le vent souffle actuellement à 20-21 noeuds. J’ai mis le cap au nord et je suis prêt à me battre avec Dominique pour le moindre mille de différence, j’y mets tout ce que j’ai. Je vais faire le maximum pour passer devant. Le bateau est à 100% de son potentiel et c’est plus sympa de naviguer à proximité d’un autre bateau. Il y a des vagues d’un mètre cinquante, ce qui est tout à fait supportable, mais ça secoue quand même. (Sur Jean Le Cam qui dit n’avoir jamais vu un Atlantique Sud aussi déchaîné) Je suis entièrement d’accord avec lui, on n’a pas un moment de répit, le vent n’arrête pas de tourner. Une fois sortis de ces conditions, ça devrait aller mieux jusqu’à l’Equateur. C’est difficile, car en général, on peut se relaxer un peu dans les 300 milles qui précèdent l’Equateur, et pas là. On est secoués partout dans le bateau, c’est impossible de s’occuper de la maintenance.

Jean-Pierre Dick (FRA, Virbac-Paprec 3)

Ce n’est pas la forme olympique mais ça fait plus de deux mois qu’on est partis, il y a l’usure de la course, on commence à fatiguer. Mais j’ai bien dormi, ça va, tout va bien. Les petits jeunots ont un sacré rythme depuis le début de la course ; dès la première semaine il a fallu les suivre. Aujourd’hui on en est là mais la course n’est pas finie, il reste encore une bonne semaine, beaucoup de choses peuvent encore se passer.

Source

Liliane Fretté Communication

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