Grands défis et petites victoires

© Jean-Pierre Dick / Virbac-Paprec

Négocier chaque vague, changer une voile toutes les heures, soigner ses mains abîmées, grimper 5 fois en tête de mât, serrer les dents à chaque embardée, patienter dans la pétole ou dans l’attente d’une décision du jury… Chaque jour est un défi et une occasion de remporter des petites victoires. Celles qui donnent la force et la confiance pour continuer.

Le Cléac’h et Gabart à distance

Unis comme deux frères depuis le passage au nord des Kerguelen, le 10 décembre dernier, François Gabart (MACIF) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) ont pris de la distance. Le skipper de Banque Populaire est désormais décalé de 115 milles dans l’ouest de son adversaire. Est-ce le présage d’une stratégie divergente entre les deux hommes ? Pour l’heure, ce placement est d’abord le fruit des actions de la veille : hier, Armel a été le premier à toucher le vent de sud-ouest lui permettant de faire route plus rapidement vers le nord. Aujourd’hui, dans le nord-est des Malouines, les deux hommes suivent à peu près le même cap, en pleine dépression. Une bien costaud : 40 nœuds de sud-ouest, une mer très mauvaise. Pour un peu, ils en regretteraient presque le Grand Sud.
Pendant toute cette journée de vendredi, ils navigueront au portant, à négocier chaque vague, avant que le vent ne refuse et ne leur revienne pile dans le nez. A l’horizon de ce week-end, ils seront confrontés à une vaste zone anticyclonique, tandis qu’une autre dépression se forme sur l’Uruguay. Bref, la route vers l’Equateur n’est pas une promenade de santé même si François, joint à la mi-journée, semblait avoir une idée relativement claire de la stratégie à suivre… un grand contour vers l’est ?

Le grand bonheur des petites victoires

350 milles derrière Gabart et Le Cléac’h, Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec 3) bénéficiera plus longtemps de vents favorables qui lui permettront temporairement de combler son retard. Mais la plus grande satisfaction de Jipé, aujourd’hui, n’a rien à voir avec son grappillage de milles. Après 4 grimpettes infructueuses en tête de mât, il a enfin réussi à affaler son grand gennaker, coincé à 27 mètres de haut depuis le 22 décembre. Une petite victoire, au prix de gros efforts mais qui vaut aujourd’hui tous les bonheurs du monde.
Tel est le quotidien des marins : remporter, chaque jour, une de ces petites victoires qui permettent de poursuivre la longue route.
Aujourd’hui en ce 55e jour de course, tous les solitaires ont leurs défis à relever. Pour Jean Le Cam, qui navigue dans un vent très instable passant de 15 à 35 nœuds, il faut une sacrée dose énergie pour sans cesse sortir sur le pont et avoir la force de changer les voiles. A la vacation de midi, le skipper de SynerCiel, attendu au cap Horn dimanche soir (en 5e position), semblait tout simplement éreinté.
Même combat pour le groupe de 5 (Gamesa, Mirabaud, Acciona 100% EcoPowered, Cheminées Poujoulat et Akena Vérandas) en route vers la dernière porte Pacifique, dans un vent de sud-ouest de 30 nœuds et une mer croisée. Arnaud Boissières est en train de souffrir le martyr : à force de manœuvrer dans le froid et l’humidité ses mains sont remplies d’ampoules purulentes…
Conditions très difficiles également pour Initiatives-cœur qui se fait copieusement secouer sur un bord très serré en direction de la porte Ouest Pacifique. « Le deuxième cycle de la machine à laver est en route » écrivait Tanguy.
Bertrand de Broc (VNAM avec EDM Projets), lui, aura besoin de patience pour traverser l’anticyclone qui lui barre le passage sur cette même porte. Aujourd’hui, il n’a pas dépassé les 9 nœuds de moyenne.

« Je continuerais à me battre de toutes mes forces »

Bernard Stamm, sur le point de doubler Javier Sanso, est toujours dans l’expectative. Hier matin, le Jury a reçu sa demande de réouverture de dossier. Stamm souhaite y adjoindre le témoignage du capitaine du bateau scientifique russe sur lequel il s’était amarré. Le Jury a décidé d’attendre ce document avant d’examiner le cas et de prendre sa décision. Aujourd’hui, le marin suisse écrivait dans un message très émouvant : « J’ignore quelle réponse sera apportée à ma demande de réouverture, mais quelle qu’elle soit, je continuerai à me battre de toutes mes forces pour ces valeurs qui sont les miennes. Je vous souhaite à tous de poursuivre cette belle bagarre que nous livrons depuis le départ des Sables d’Olonne. Ce Vendée Globe fait partie de ma vie depuis près de 15 ans. Jamais encore je n’ai eu le privilège de le terminer. Ce ne sera peut-être pas pour cette fois, mais je ferai tout pour ramener mon bateau à bon port, touché mais fier d’être allé au bout de mon aventure. Personne ne me l’enlèvera ».

Les chiffres

François Gabart (MACIF) a doublé le cap Horn le 1er janvier 2013 à 18h20 TU (19h20 heure française) après 52j 06h 18mn de course.
Son temps de course entre le cap Leeuwin et le cap Horn : 17j 18h 35min. Le temps de référence pour cette portion du parcours reste détenu par Mike Golding en 2004/2005 en 16j 06h 26mn.
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) a doublé le cap Horn le 1er janvier 2013 à 19h35 TU (20h35 heure française) après 52j 07h 33mn de course.
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3). Passage cap Horn : le 3 janvier à 04h42 TU après 53j 16h 40 mn
Alex Thomson (Hugo Boss). Passage cap Horn : le 4 janvier à 02h38 TU après 54 j 14 36 mn de course.

Classement au 04/01 – 16h00

  1. François Gabart
    [ Macif ]
    à 6 250 milles de l’arrivée
  2. Armel Le Cléac’h
    [ Banque Populaire ]
    à 21.5 milles du leader
  3. Jean-Pierre Dick
    [ Virbac Paprec 3 ]
    à 350.5 milles du leader
  4. Alex Thomson
    [ Hugo Boss ]
    à 629.6 milles du leader
  5. Jean Le Cam
    [ SynerCiel ]
    à 1 927.6 milles du leader

Ils ont dit

Jean-Pierre Dick (FRA, Virbac-Paprec 3)

Sur sa montée victorieuse au mat) J’ai fait de l’alpinisme de premier degré. Je suis content, c’est un poids en moins. Dans le Pacifique, j’ai tout fait pour descendre la voile, sans réussite. Hier enfin après quatre tentatives, j’ai pu le faire et c’était vraiment la dernière limite. Les montées au mat sont assez laborieuses. Mais maintenant c’est reparti, je suis content. En ce moment, il y a quasiment 20 nœuds sous vent, ça fait plaisir.

Jean Le Cam (FRA, SynerCiel)

On se rapproche du cap Horn mais on est dans une dépression, encore une… La nuit dernière a été un peu soutenue. Il y a eu des vents à plus de 37 nœuds dans des claques. Devant le grain, tu avais 37 nœuds et derrière 14. Les grains étaient noirs. C’était incroyable. Le problème, c’est le vent qui est variable. Si tu toiles le bateau pour la valeur supérieure de vent ou alors si tu fais l’inverse, il faut être prêt à réduire la toile au moment où ça change. J’ai hâte d’être au cap Horn. Il y a une certaine lassitude, on en a un peu marre. On est dans des conditions où à chaque fois c’est la même chose. Tu ne sais pas comment te mettre, comment te toiler et du coup tu n’es jamais content. Ce ne sont pas des situations enviables.

Arnaud Boissières (FRA, AKENA Vérandas)

Dans l’Atlantique, j’ai manqué un peu de réussite. Désormais ça fait 7-10 jours que je profite du système météo. J’essaye d’anticiper les prochaines bascules et ça marche plutôt pas mal. On est 5 bateaux assez proches. Cheminées Poujoulat est plus rapide en ce moment avec une trajectoire un peu différente. C’est super excitant mais la course est loin d’être finie. (Sur le groupe des 5) Ça serait rigolo de passer ensemble le cap Horn. J’aimerais bien le passer de jour mais la météo est un peu incertaine jusqu’au cap Horn. Les routages nous font arriver le 8.

François Gabart (FRA, MACIF)

(Sur sa stratégie) Pour moi, c’est à la fois clair et en permanence remis en cause. J’ai mon chemin stratégique en tête mais à chaque fichier météo, j’ai de nouvelles informations. Dans la philosophie générale, j’ai ma trajectoire qui est bien calée. Là, je me repose un peu car c’est important. On a eu des conditions assez clémentes depuis le passage du cap Horn. C’est assez facile de se reposer. (Sur sa position par rapport à Armel) Ça fait longtemps qu’on n’a pas été aussi éloigné. Je suppose qu’il y a des stratégies différentes. Armel est un peu plus proche de la route directe. Il veut se laisser le plus de cartes possibles entre les mains.

Tanguy de Lamotte (FRA, Initiatives-cœur)

C’est toujours un peu secoué ici. Il fait froid. Je suis au reaching avec beaucoup d’eau qui passe sur le pont. C’est difficile, surtout pour faire les choses quotidiennes comme manger et envoyer des mails. Mais j’avance bien vers la porte Pacifique donc tout va bien. (Sur l’engouement autour du Vendée Globe) Je ne me rends pas trop compte d’ici mais c’est génial que les gens se passionnent. Ça fait plaisir de savoir que grâce à nous, les gens pensent à des choses positives. Ça leur donne des idées de voyages ou autre. Ils pourront peut-être réaliser leur projet comme ça.

Bernard Bonneau (président du jury international)

Nous avons reçu hier matin tôt sa demande de réouverture de la réclamation que nous avions jugée deux jours avant. Bernard Stamm veut faire valoir dans sa demande de réparation un témoignage écrit du capitaine du bateau russe qu’il n’a pas encore reçu. Le jury souhaite avant de prendre une décision avoir en sa possession tous les éléments y compris ce témoignage, ou au moins en avoir la teneur. Ça sera un peu compliqué de l’avoir aujourd’hui du coup, on va attendre un petit peu. Evidemment, on n’attendra pas des années mais on prolonge un peu le délai. Je m’étais engagé (un peu vite) sur 24h pour rendre une décision mais vu que Bernard souhaite faire valoir ce témoignage, nous respectons son désir et nous l’attendons.
Ça m’étonnerait qu’on puisse prendre une décision dans la journée car le temps d’avoir le document puis ensuite de contacter tous mes collègues qui sont un peu partout en Europe, c’est difficile. La décision ne devrait pas être rendue aujourd’hui.

Source

Liliane Fretté Communication

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