Motivation maximale

© Christophe Varène

A 5 jours du départ de l’étape-reine de la Panerai Transat Classique 2012 entre Cascais et La Barbade, les concurrents travaillent d’arrache-pied à la préparation de leurs coursiers. Une bonne occasion d’aller à leur rencontre.

Le temps s’accélère à Cascais. Chaque voilier de la Panerai Transat Classique 2012 se transforme en fourmilière, les tournevis sont de sortie, les drisses envoient des équipiers en haut des mâts, les équipets et coffres sont vidés lors de chasses frénétiques à l’excédent de poids. Trois bateaux reposent même sur la zone technique du port pour de petites interventions sur les coques : inspection des bordés sur Valteam, vieille dame de 40 tonnes, brin de toilette pour Cipango, le Taillefer de 1966, et pour Gweneven, aux lignes signées Olin Stephens. Si le soleil a refait son apparition, les grains continuent cependant de se succéder, faisant alterner travaux d’extérieur et d’intérieur. Terriens pour encore quelques jours, les marins sont déjà dans la course, même si les ambitions diffèrent entre chaque équipage. Première rencontre avec les concurrents.

Avec 13 voiliers sur la ligne de départ, la flotte de la Panerai Transat Classique 2012 offre un formidable panorama de l’architecture navale avec 11 architectes représentés. Seuls Dick Carter et Olin Stephens comptent deux de leurs créations parmi les participants : Corto et Persephone pour le premier, Gweneven et St Christopher pour le deuxième. La paternité de ce dernier voilier peut aussi être partagée puisque, si les plans sont bien signés Sparkman & Stephens, ils ont été dessinés par l’Argentin German Frers alors salarié du célèbre cabinet. Sur la liste se trouvent aussi des Italiens avec Renato Levi, pour Valteam, et Vincenzo Beltrami pour White Dolphin, le Hollandais Frans Maas avec Cipango, l’Ecossais Alfred Mylne avec The Blue Peter doyen de la course du haut de ses 82 ans, les Anglais Nigel Irens, avec Artaius, et David Simmonds, avec Gimcrack, et les Français Henri Dervin, avec Croix des Gardes et Daniel Bombigher, avec Marie des Isles.

En quête de spiritualité

Pour cette grande étape de la traversée de l’Atlantique, parcours mythique qui nourrit les rêves de tous les marins, l’équipage de Marie des Isles a connu des changements par rapport à celui qui a descendu le bateau depuis Douarnenez. Jacques et Cathy Scharwatt, les propriétaires, ont recruté par le biais d’une bourse aux équipiers sur Internet. Ils sont quatre jeunes, Gwenaëlle, Mélanie, Boris et Francisco, à s’être inscrits. Francisco, le Portugais du bord, raconte : « Nous ne nous connaissions pas, mais dès les premiers jours sur le bateau, une énergie positive a commencé à monter. Si les deux filles ont déjà une expérience de la navigation, les deux garçons sont de parfaits néophytes. Ce que je cherche dans la Transat Classique, c’est surtout l’aventure humaine et sa dimension spirituelle. C’est pour moi l’aspect le plus excitant. À bord, chacun participera aux tâches et nous avons prévu de faire une cuisine végétarienne. Jacques et Cathy apprécient notre démarche et en mer, ils ont très envie de partager leur expérience. Maintenant, je suis impatient de partir, d’avoir du temps, de ne pas courir comme dans les villes et que chaque jour soit une découverte. »

Histoires de famille

L’équipage de Croix des Gardes présente un profil atypique, mais très attachant. Sarah et James Kelman, les propriétaires du bateau depuis 2007, ont en effet décidé d’emmener leurs deux enfants, Elizabeth et Matthew, âgés… de 7 et 6 ans. Ce joli projet familial, avec école à bord, continue au-delà de l’Atlantique avec 3 mois de navigation aux Antilles avant de remonter vers la côte Est des Etats-Unis et de retraverser en juin vers l’Angleterre. C’est lors de la dernière Panerai British Classic Week, à Cowes, que Sarah et James ont pris la décision de partir. Ils ont alors complété leur équipage en embarquant Dave et Ollie, un père et son fils, une autre belle histoire de famille. Dave est lui aussi propriétaire d’un voilier classique, un Camper & Nicholson 36, et son fils, voilier de formation, commence une préparation en vue des prochains Jeux Olympiques en 49er. Son expérience des voiles et de la régate sera bien évidemment un atout pour la course.

Du moderne au classique

À bord de Corto, l’élégant plan Carter à Hacène Abbar, l’équipage compte des régatiers performants au premier rang desquels il faut nommer Bruno Jourdren. Ce marin breton possède un solide palmarès dans la course au large et affiche un nombre conséquent de traversées océaniques, en multicoque et en monocoque. Son analyse des prévisions météo, son sens tactique et sa science des réglages seront mis à profit et ses équipiers ont bien l’intention de saisir cette belle opportunité d’apprendre. Parmi eux, Romain Bouchet et Damien Cloarec, impliqués dans le circuit des Minis, ces rapides voiliers de course au large de 6,50 m savourent à l’avance cette expérience sur un bateau classique : « Cela va bousculer nos habitudes en mer. Finis les plats lyophilisés et le confort spartiate des 6,50 m, on va pouvoir faire de bon repas, avec un peu de vin, et bien dormir. Mais cette traversée sert aussi à engranger de l’expérience pour mieux gérer la météo et les grains, gérer le sommeil. On sait que l’on part surtout pour le plaisir, mais on se connaît : quand on est en régate, on s’applique à faire aller le bateau vite. » Avis aux concurrents.

Par amour du bois

« J’ai peu d’affinités avec les gréements modernes, mais une vraie passion pour les voiliers classiques et surtout les bateaux de travail. » Il ne faut que quelques minutes pour que Jérôme Lunot affiche ses préférences et explique ainsi l’acquisition d’Artaius, superbe réplique d’un cotre pilote de Bristol du 19e siècle, redessiné par Nigel Irens. Construit au Canada en 4 exemplaires, ce voilier au gréement aurique facilement reconnaissable a gardé de ses aïeux les qualités marines et une certaine vélocité. La Panerai Transat Classique 2012 constitue pour Jérôme une première expérience de traversée océanique : « Je n’ai aucune appréhension sur le côté technique parce que j’ai un bon bateau, bien préparé. Je redoute plus la dimension psychologique, savoir comment l’on vit dans un univers aussi réduit à 4 pendant 3 semaines au moins. » Il a cependant la chance de partir dans cette aventure avec son père et de partager avec lui ces moments forts en émotion. Il a pour l’occasion engagé comme skipper Bérangère Branchereau, une jeune femme qui possède déjà une certaine connaissance des voiliers traditionnels pour avoir navigué, par exemple, sur La Boudeuse, trois-mâts de 1916. Après la traversée, Artaius naviguera un peu aux Antilles avant de prendre le chemin du retour au printemps.

Un plateau relevé

La qualité des équipages embarqués dans cette aventure hors-norme – 3 300 milles de course sur des voiliers classiques – démontre le sérieux avec lequel chaque bateau s’est préparé pour aborder cette épreuve. Outre les marins reconnus de l’équipage de Corto, il faut rappeler la présence de Pierre Follenfant, sur le Tina Persephone, à Yves Lambert, vainqueur de l’étape Douarnenez-Cascais, et de Jacques Caraës sur Red Hackle, puissant plan Germa Frers. Ces deux navigateurs cumulent une quantité impressionnante de traversées océaniques et même de tours du monde, sur les voiliers les plus rapides de la planète. Il faut aussi compter sur l’équipage de The Blue Peter, emmené par Mathew Barker, qui rassemblent des régatiers aguerris et habitués du circuit classique de Méditerranée, et sur celui de White Dolphin, vainqueur de l’étape Saint Tropez-Cascais, déterminé à mener la vie rude à ses adversaires. À bord de Valteam, la stature imposante de Jacques Levasseur, dit « Grand Jacques », le seul marin déjà présent en 2008 pour la première édition de la Transat Classique et vainqueur de l’étape Agadir-St Barth comme second sur le légendaire ketch noir d’Eric Tabarly, Pen Duick VI. Avec son équipage réuni autour de l’armateur, Laurent Renoul, il vise un doublé sur ce parcours océanique. Il ne faut pas, enfin, sous-estimer les ambitions et les compétences des navigateurs de Gweneven, motivés autour d’Oren Nataf, jeune armateur de ce beau Swan 38, et de ceux de Cipango, le Taillefer de Maurice Benzaquen. La course s’annonce acharnée et passionnante à suivre sur le site www.transatclassique.com, avec sa cartographie complète et toutes les nouvelles des concurrents.

Les concurrents au départ de Cascais (par ordre alphabétique) :

Nom Année Architecte Long. HT Gréement

  • Artaius 1999 Nigel Irens 16,31 m aurique
  • Cipango 1966 Frans Maas 11,00 m sloop
  • Corto 1970 Dick Carter 13,00 m sloop
  • Croix des Gardes 1947 Henri Dervin 15,30 m
  • Gimcrack 1961 David Simmonds 11,58 m yawl
  • Gweneven 1975 Olin Stephens 11,60 m sloop
  • Marie des Isles 1973 Daniel Z. Bombigher 20,00 m goélette aurique
  • Persephone 1969 Dick Carter 11,30 m sloup
  • Red Hackle 1989 German Frers 18,28 m ketch
  • St Christopher 1968 Olin Stephens 15,50 m
  • The Blue Peter 1930 Alfred Mylne 19,65 m sloop
  • Valteam 1965 Renato Levi 22,25 m yawl
  • White Dolphin 1967 Vincenzo Beltrami 20,20 m yawl

Source

Rivacom

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